A ce stade, le choc ukrainien ne représente pas une menace forte pour la croissance mondiale

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A ce stade, le choc ukrainien ne représente pas une menace forte pour la croissance mondiale. Les investisseurs vont hésiter entre « acheter au son du canon » et rester prudent à cause des problèmes d’inflation que cette crise exacerbe (graphique 1).

Au vu des sanctions annoncées par les Etats-Unis et l’Europe, l’impact économique de la guerre entre la Russie et l’Ukraine serait limité. Ce diagnostic pourrait évoluer si la Russie et l’Occident entraient dans une escalade de sanctions aboutissant à des ruptures d’approvisionnement de matières premières en Europe et à une accélération encore plus forte de la hausse des prix du pétrole (vers 150 dollars ou même 200 dollars). Pour l’instant cependant les sanctions occidentales évitent soigneusement le domaine de l’énergie. Quant aux Russes, ils n’ont pas de raison de se priver de la manne financière des gazoducs et du pétrole à un moment où ils en ont particulièrement besoin. Si on en reste là, le prix du pétrole ne dépasserait pas 110-120 dollars le baril, avec un impact modeste d’environ -0.2% sur la croissance mondiale en 2022 (-0.35% en Europe et -0.15% aux Etats-Unis, moyenne des prévisions actuelles). Quant au possible choc migratoire de l’Ukraine vers la Pologne et l’Allemagne, il interviendrait dans une situation de plein emploi dans ces deux pays, avec sans doute, au moins au début, un sentiment de solidarité qui contiendra les risques de crise sociale.

Le poids des économies russes et ukrainiennes étant négligeable, le choc ukrainien se transmettra à l’économie essentiellement par une hausse supplémentaire de l’inflation, hausse qui pénalise certaines entreprises (baisse des marges) et qui fragilise la confiance des consommateurs. Cette fragilisation est déjà à l’œuvre aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, et dans une moindre mesure en Europe (graphique 2). La confiance des consommateurs européens devrait continuer à baisser face à la diffusion de l’inflation (comme l’atteste la forte hausse de l’inflation en France en février) et à l’aggravation des tensions sur les prix des matières premières.

Cependant, le lien entre confiance des consommateurs et consommation réelle est souvent assez lâche. Aux Etats-Unis la consommation a beaucoup moins ralenti ces derniers mois que ce que suggère les indicateurs de confiance, comme le montre le rebond des dépenses des ménages en janvier (+1.5% en volume, après deux mois de baisse). Le dynamisme du marché de l’emploi explique en partie cette divergence entre confiance et consommation réelle. De plus, les prochaines semaines devraient voir un regain de la consommation de services du fait de la forte baisse des restrictions sanitaires dans presque tous les pays. Les achats d’automobile devraient par ailleurs bénéficier de l’atténuation progressive des pénuries de composants électroniques. Enfin, beaucoup de pays utilisent l’arme budgétaire pour compenser l’impact des hausses de prix sur les ménages et les entreprises.

Pour les banques centrales, enfin, le choc ukrainien est ambigu. Les perspectives d’inflation se détériorent encore mais les perspectives de croissance sont aussi fragilisées, surtout en Europe. Et surtout, ce type de choc tend à rendre les grandes banques centrales particulièrement attentives aux conditions financières. Elles peuvent craindre que les primes de risque ne montent trop vite sur les marchés et dans le système bancaire, avec des conséquences négatives pour le financement de l’économie. Le niveau d’aversion au risque a en effet significativement monté sur les marchés financiers depuis plusieurs semaines (graphique 3). Le rythme de la « normalisation » des politiques monétaires pourrait donc être moins rapide que prévu ces prochaines semaines (réunion BCE le 10 mars et Fed le 16 mars).

Les évènements récents ont donc permis une stabilisation des taux d’intérêt réels, ce qui a entraîné une inversion du mouvement de rotation hors des défensives et des valeurs chères, mouvement qui était à l’œuvre depuis décembre 2021. Il faut dire que ces valeurs avaient déjà beaucoup baissé (plus de 20% pour le Nasdaq, et 40% pour les Biotechs). Cet univers de valeurs sera peut-être à nouveau chahuté quand les taux longs grimperont sur de nouveaux plus hauts, ce qui est probable à moyen terme. Mais pour l’instant elles sont moins vulnérables, ce qui participe à une stabilisation des indices boursiers. Enfin, les ratios cours/bénéfices des actions ont considérablement chuté, particulièrement en Europe, alors que les taux réels restent extrêmement bas, ce qui rend les actions plus attractives (graphique 4).

Si le choc ukrainien en reste là, la pression haussière sur les taux à long terme finira cependant par reprendre, ce qui pourrait limiter la hausse des actions. Nos taux d’exposition au marché reflètent donc encore une certaine prudence. Nous conservons notre position thématique de « relance verte », thème qui prend encore davantage de sens dans le contexte actuel de crise énergétique.

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