Après un net mais bref redressement en début d’année, les perspectives économiques européennes inquiètent à nouveau. L’activité ralentit sensiblement, et l’inflation a même un peu remonté au mois d’août. Les craintes de récession, voire de stagflation, sont-elles justifiées ?
Au cours de sa dernière intervention, Isabel Schnabel, membre éminent de la BCE, souligne le risque que l’économie de la zone euro connaisse un épisode de « stagflation », c’est à dire de stagnation de l’activité avec une inflation persistante. Le climat des affaires mesuré par les enquêtes auprès des entreprises a en effet beaucoup rebaissé depuis le mois de mai (graphique 1), ce qui pourrait se traduire par une stagnation économique au troisième trimestre, voire au-delà. Avec la fin du boom de réouverture post-Covid dans les services, boom qui avait protégé l’emploi l’année dernière, les perspectives du marché du travail se fragilisent. Les conditions de crédit se sont de plus nettement resserrées, et les politiques budgétaires sont devenues moins accommodantes. Enfin, les stocks industriels sont jugés nettement trop élevés par les entreprises interrogées, ce qui n’est pas de bon augure pour la production.
Pour éviter que ces éléments négatifs ne débouchent sur une récession en zone euro, il est crucial que la consommation se reprenne. Une des conditions nécessaires à cette reprise est la désinflation. Le chiffre d’inflation du mois d’août (+0,6% sur le mois pour les prix à la consommation en zone euro, après -0,1% en juillet) interroge ce processus. Cependant, le mauvais chiffre d’inflation en août est concentré sur l’énergie. Hors énergie, l’inflation continue de baisser dans la quasi-totalité des secteurs, et l’indicateur avancé de l’inflation construit par les équipes de la BCE (le ‘PCCI’, pour ‘Persistent and Common Component of Inflation’) suggère que l’inflation annuelle devrait se diriger vers 3%, contre 5,3% aujourd’hui (graphique 2).
Isabel Schnabel exprime cependant ses craintes que la désinflation européenne soit ralentie par les problèmes d’offre industrielle issus du choc énergétique de 2022, ainsi que par le faible niveau du chômage. Pourtant, la désinflation du premier semestre a été rapide. En rythme annualisé sur les 6 derniers mois, l’inflation de la zone euro est déjà très proche de 3%, contre 10% l’année dernière. Cette désinflation a permis une remontée de la confiance des ménages et une stabilisation des ventes au détail depuis le début de l’année (graphique 3). Sauf choc externe, les gains de pouvoir d’achat devraient donc continuer, les salaires grimpant en ce moment à un rythme un peu supérieur à l’inflation.
Au total, le débat sur les perspectives de croissance en Europe d’ici la fin de l’année reste assez ouvert. Les risques de récession existent indéniablement, mais le contexte de désinflation réduit ces risques, ainsi que la dynamique à ce jour intacte de l’investissement « vert » des entreprises. Les juges de paix seront le marché du travail – qui ne doit pas flancher – et les prix de l’énergie (prix du pétrole, prix du gaz naturel pendant l’automne/hiver, etc.).
Sur les marchés, la fragilisation des perspectives économiques européennes depuis le printemps a déjà été en grande partie intégrée. D’abord parce qu’elle surprend moins, comme l’indique les indices de surprises économiques de la zone euro, qui remontent un peu après leur plongeon du deuxième trimestre. Ensuite parce que la valorisation des actions européennes (mesurée sur l’indice équipondéré) se retrouvent tout en bas de l’échelle des marchés développés, deux points en dessous de la moyenne mondiale en termes de PER (graphique 4). Enfin, le ralentissement économique récent commence à faire hésiter la BCE, ce qui diminue le risque d’une nouvelle flambée des rendements obligataires souverains, au moins pour les prochaines semaines. Par conséquent, les risques de baisse sensible des marchés des actions européennes sur la seule base des inquiétudes économiques en zone euro nous semblent plutôt modérées à ce stade.