Il y a bien sûr toujours la petite voix qui nous dit « ça y est… enfin… quelqu’un a trouvé la martingale…et il possible de détecter des anomalies dans les marchés et de gagner à coup sûr… »
J’aimerai croire à ce miracle. L’idée que compte tenu des progrès récents permettant de traiter d’énormes volumes d’informations permettrait de déterminer le prix juste d’une action ou d’une obligation est effectivement très tentant.
Mais, à mon avis, c’est faux.
A un instant « T » le prix d’un titre reflète un prix qui a peut-être tous les défauts du monde mais qui correspond au jugement des acheteurs et des vendeurs sur la valeur intrinsèque du titre. Personne ne peut prédire l’avenir, et si une machine ou un humain définit des règles pour affiner les perspectives, son jugement sera balayé par d’autres décisions humaines ou externes.
L’IA façon ChatGPT n’a aucune vertu prédictive, il est totalement vain d’espérer « deviner » les cours futurs grâce à l’IA actuelle.
Cependant, l’IA telle qu’elle est conçue, aujourd’hui présente des atouts indéniables pour les gérants et plus généralement pour les Assets Managers.
La capacité de traitement de données de l’IA peut aider l’équipe de gestion très utilement le gérant en compilant des informations pour « classer » et comparer les valeurs suivant les informations que le gérant considère comme pertinente dans son processus.
La multiplication des sources rend en effet l’exercice de plus en plus difficile et outre la masse d’informations, l’IA peut trier l’information pertinente et détecter l’évolution des corrélations.
Tout ceci est déterminant pour sélectionner et pondérer des titres dans un portefeuille mais aussi pour comprendre exactement ce qui s’est passé sur un portefeuille. En effet, il arrive parfois que l’IA détecte des évolutions qui n’étaient pas perceptibles ou bien interprétées : par exemple, le gérant peut penser légitimement que son portefeuille a été impacté par la hausse des taux courts, alors qu’il a pu aussi être impacté par un biais sectoriel. Les conclusions en termes de construction de portefeuille pour remédier au sujet sont différentes.
L’IA peut aussi produire des millions de scénarios potentiels basés sur des modèles appris en intégrant des évolutions dans les corrélations également très diverses. Il est donc possible de « tester » la robustesse du portefeuille.
Pour le gérant et les équipes de risques, on imagine aisément le gain de temps réalisé par chacun pour analyser les risques d’un portefeuille. C’est un sujet majeur car on ne peut pas gérer sereinement ce que l’on n’évalue ou mesure pas ou mal.
Les sélectionneurs de fonds peuvent aussi grâce à l’IA mieux comprendre la gestion des fonds qu’ils souhaitent sélectionner et analyser dans quelle mesure le fonds s’intègre dans leurs actifs : l’objectif annoncé est-il plus ou moins strictement mis en œuvre ? comment le fonds complète ou diversifie leur propre gestion ? Y a-t-il des risques de corrélation particulier avec ce fonds ?
Enfin, et c’est un sujet majeur : comment le gérant se compare à son benchmark ?
Tout ce qui a été dit précédemment peut trouver une illustration dans ce que font les gérants par rapport à leur benchmark. Grâce aux capacités de traitement de l’information de l’IA, les gérants peuvent à tout moment évaluer leur dérive par rapport au benchmark, libre à eux, mais en connaissance de cause de modifier cette dérive.
Ces quelques exemples montrent que si on est très loin de s’appuyer sur l’IA pour « deviner » le prix d’un actif, il semblerait tout aussi dommage de ne pas utiliser l’extraordinaire capacité de l’IA pour accompagner les Assets Managers.
Le monde aussi complexe dans lequel nous entrons impose d’utiliser des outils et des méthodes différentes. Dans les mois qui viennent, je pense que l’on verra une différence très nette entre ceux qui utilisent l’IA et les autres, cela sera sensible sur les performances et sur les flux de collecte.