Aux Etats-Unis, le débat politique sur l’inflation gagne du terrain

  • Marchés: Les marchés risquent de rester très volatils tant que les chemins du resserrement monétaire, notamment aux Etats-Unis, ne sont pas bien définis. Que ce soit sur le marché obligataire ou sur les bourses, aujourd’hui, le débat qui domine est bien celui de la vitesse et surtout de l’ampleur du resserrement monétaire à venir. Sur la vitesse, le marché semble continuer à croire que la Fed agira avec force en 2022 et début 2023, avec presqu’une hausse de taux à chaque réunion du comité de politique monétaire à partir du mois de mars. La probabilité que la première hausse soit de 50 points de base est complétement intégrée. Concernant l’ampleur, le marché reste toujours très conservateur, et pense que la Fed ne pourra pas ramener les taux d’intérêt au-dessus de 1,8%, soit devrait maintenir des taux réels négatifs, en faisant l’hypothèse que l’inflation converge vers l’objectif de 2%. Sur la vitesse et l’ampleur, les incertitudes sont importantes.
  • La Fed ne va pas prendre le risque d’introduire un choc sur les coûts du financement qui puisse être trop brutal, ce qui pourrait déstabiliser l’économie. Ce qui prône pour une approche plus graduelle, mais peut-être de plus grande ampleur que celle envisagée par le marché. Les taux directeurs peuvent aller bien plus haut que les 1,8% considérés aujourd’hui.
  • Le premier juge de paix sur le gradualisme ou pas avec lequel la Fed devra agir, que ce soit sur la montée des taux et sur la réduction du bilan, sera la dynamique de l’inflation. Les chiffres de jeudi dernier, avec 7,5% en glissement annuel, ont montré que la situation actuelle est plus préoccupante qu’envisagée. Néanmoins, l’erreur serait de voir les banquiers centraux paniquer, surtout après avoir tenu un discours très complaisant encore il y a seulement 6 mois. En outre, les tensions géopolitiques liées à la situation en Ukraine, qui contribuent à pousser les prix de l’énergie vers le haut, en détériorant donc la situation sur le plan de l’inflation, doivent être traités avec prudence. Un éventuel choc sur le prix de l’énergie, serait d’une nature différente de la dynamique d’inflation qui s’est développée jusqu’à maintenant.
  • Quoiqu’il en soit, outre la difficulté dans l’analyse économique des mécanismes en jeu qui semblent continuer à pousser les prix vers le haut, la situation de la Fed se complique avec la politisation du débat. La salve du sénateur Démocrate, Joe Manchin, celui même qui jusqu’ici a plombé les chances d’adoption du plan de relance « social » du président Biden, contre la Fed concernant la nécessité de lutter plus vigoureusement contre l’inflation risque de mettre une pression supplémentaire sur les banquiers centraux. D’autant plus que J. Manchin, a insisté, qu’à son avis, il n’est plus possible de dépenser davantage du point de vue budgétaire dans un contexte où l’inflation caracole à des niveaux aussi élevés.
  • Ce débat politique, a évidemment son origine sur le sentiment qui gagne la population américaine, avec une crainte de plus en plus marquée concernant les hausses de prix. De fait, en partie, la montée des prix a été un élément qui a pesé sur le comportement de consommation ces derniers mois, même si la situation sanitaire a aussi joué un rôle important.
  • Les enquêtes sur la confiance des ménages ont continué de se détériorer au cours des derniers mois. De manière paradoxale, ceci arrive alors que le marché de l’emploi reste très porteur et l’accroissement de la richesse des ménages a été massif au cours des deux dernières années. Mais le constat est sans appel, la confiance des ménages s’effiloche. Jusqu’à maintenant, le lien avec la consommation avait été faible, mais le risque est bien que ceci commence à peser davantage sur la volonté de consommer, affaiblissant les perspectives de croissance. Ceci peut aussi ne pas être le cas, mais on pourrait se trouver dans une situation où l’inflation accélére davantage, avec des anticipations de hausses de prix qui se mettraient à augmenter bien davantage des prix avec des ménages accentuant leurs dépenses, afin d’éviter de payer plus cher demain, plutôt que d’épargner.
  • Il est difficile de voir ce contexte d’incertitude se dissiper très rapidement. Néanmoins, à ce stade, nous continuons à parier sur le fait que la croissance sera préservée cette année, ce qui devrait donner un avantage encore aux actions dans cette tentative de normalisation de la politique monétaire. Toutefois, il est essentiel d’avoir un biais très prononcé vers des titres solides ou de croissance avec des valorisations raisonnables.

La confiance des ménages américains a de nouveau chuté en ce début de mois de février selon l’enquête de l’Université du Michigan. Cette nouvelle baisse situe l’indice proche des plus bas historiques connus ces dernières décennies, et surtout plus bas que celui atteint au début de la crise pandémique en 2020.

Cette baisse a été de nouveau assez brutale avec une perte de plus de 5 points par rapport à l’enquête de janvier. Il est certes probable, en partie, que les séquelles de la forte montée des contagions sur le début d’année pèsent toujours, mais la situation sanitaire est en train de s’améliorer rapidement outre-Atlantique donc on aurait pu s’attendre à une petite embellie sur ce front. Par ailleurs, soulignons que l’indicateur de l’U. Du Michigan, est resté très déprimé et n’a pas montré le rebond plus notable de celui du Conférence Board. Il est vrai que ce dernier est plus sensible à la situation du marché de l’emploi. Il n’empêche que récemment l’indicateur du Conférence bord est aussi en retrait.

Etats-Unis : la confiance des consommateurs reste affectée par l'inflation

Cette détérioration de la confiance peut ne pas se traduire par un affaiblissement de la consommation. En effet, la relation historique entre les deux séries n’est pas d’une grande robustesse, même si ce lien existe. Quoiqu’il en soit, depuis le rebond de l’activité en fin 2020, la confiance, mesurée par l’indicateur de l’U. du Michigan n’a pas décollé, alors que la consommation connaît une expansion notable. En fait, sur plus de 20 ans, on n’a jamais eu une telle déconnection entre ces deux mesures. Tout porte encore à croire que la consommation devrait résister, notamment dans un contexte du marché du travail toujours porteur.

Etats-Unis : une relation toujours fragile entre confiance et consommation mais reste distante aujourd'hui

Néanmoins, il est clair aujourd’hui que la montée de l’inflation est un des facteurs clé qui maintient la confiance déprimée. Avec le boom des achats des biens que nous avons connu et la montée des prix concomitante, on constate aujourd’hui que ces hausses des prix sont un sujet d’inquiétude.

De fait, les anticipations d’inflation restent élevées, notamment à court terme, et progressent lentement pour des échéances plus longues. Néanmoins, pour ces dernières, on ne voit pas pour l’instant de dérapage net, même si elles se trouvent sur les points hauts connus depuis au moins 15 ans.

Etats-Unis : Des anticipations d'inflation plus élevées qui persistent

Cette montée de l’inflation, et surtout la façon dont elle pourrait venir modifier le comportement de ménages doit être un sujet d’inquiétude pour le Fed aujourd’hui.

De fait, le débat devient de plus en plus politique, commençant par les élus Républicains qui mettent ce sujet porteur en avant. Mais ceci est aussi le cas de certains Démocrates, dont le sénateur Machin, qui, dans un communiqué il y a quelques jours, a souligné l’urgence de traiter le sujet par la Fed, tout en insistant sur la nécessité d’éviter de continuer à gonfler les dépenses publiques dans un moment de tensions inflationnistes.

De fait, ce qui est assez remarquable est d’observer combien la perception de la situation actuelle et à venir est perçue différemment par la population selon leur sensibilité politique. Nous notons toujours une société américaine extrêmement divisée.

Etats-Unis : la confiance des consommateurs fortement politisiée

À court terme, voire davantage, cette pression politique sur l’évolution de l’inflation, alors que la nécessité de combattre la dynamique haussière des prix est bien présente, risque de compliquer la tâche de la Fed et malheureusement amener de la volatilité sur les marchés.

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