Changement de discours pour les banques centrales

Bruxelles | Les actualités économiques et financières

La crise des banques régionales américaines et la baisse de l’offre et de la demande de crédit conduisent les banques centrales à adopter un ton plus prudent. Pour les marchés, ce changement de ton est positif, même si rien ne dit qu’il suffira à compenser entièrement les craintes économiques et financières.

Aux Etats-Unis, il faut à ce stade constater l’échec des tentatives de circonscrire la crise des banques régionales (graphique 1). Comme souvent, les discussions entre les politiques, les régulateurs et les banques produisent des mesures qui ont du mal à convaincre. Après SVB puis Signature Bank et First Republic, les banques PacWest, Zions et Western Alliance sont sur la sellette. L’impact direct de ces problèmes sur la bourse américaine est modeste. Sur le S&P 500, le secteur bancaire (y compris les grandes banques) ne représente que 3% de l’indice. Mais les effets indirects sur l’économie pourraient être substantiels (même si ce n’est pas certain) en accélérant le resserrement du crédit déjà important du fait de la hausse des taux d’intérêt. C’est clairement ce qui a motivé Jerome Powell à signaler une longue pause après sa dernière hausse des taux de 25 points de base le 3 mai.

En Europe, le système bancaire ne montre pas de signes inquiétants pour le moment, et, après une hausse des taux de 25 points de base le 4 mai, la BCE explique qu’elle n’a pas tout à fait fini son travail. Mais les freins à la hausse des taux deviennent de plus en plus importants. Selon l’enquête de la BCE auprès de banques, enquête maintes fois citée par Mme Lagarde lors de sa conférence de presse, le canal du crédit se tarit déjà fortement. Non seulement les banques prêtent moins facilement, mais le niveau des taux est désormais cité comme une cause majeure de la forte baisse de la demande de crédit (graphique 2). Il est possible, voire probable, que les agents économiques finissent par s’habituer à des taux d’intérêt plus « normaux » qu’avant le Covid, mais cela peut prendre du temps. Ce resserrement du crédit n’est en tous cas pas anodin pour une région où le financement de l’économie est très dépendant des banques (nettement plus qu’aux Etats-Unis).

Avec l’inflation toujours élevée en zone euro et une accélération des salaires (+5,2% sur un an en France au T1), certains membres de la BCE auraient préféré une hausse de 50 points de base des taux d’intérêt et un discours plus dur. Mais, après la baisse des prix de l’énergie depuis l’automne, les enquêtes auprès des entreprises et des ménages confirment que la zone euro enregistre enfin une baisse assez nette des pressions inflationnistes (graphique 3). Après l’industrie puis la construction, le secteur des services commence lui aussi à témoigner d’une atténuation de la hausse des prix de vente. Et à l’intérieur de l’industrie, les perspectives de prix se modèrent nettement pour l’alimentaire, secteur responsable d’une part importante de l’inflation européenne. Même si l’inflation en zone euro va demeurer trop élevée pour la BCE, sa modération est bien en cours, et elle devrait s’élargir.

Face à ces évolutions complexes, il y a de quoi hésiter. Les risques d’un élargissement de la crise bancaire américaine et d’un ralentissement économique plus prononcé s’opposent aux bénéfices d’une économie mondiale résiliente, de marchés du travail dynamiques et d’une remontée progressive du pouvoir d’achat. Le ton plus conciliant de la Fed et de la BCE devrait aider le sentiment de marché, mais le risque d’une baisse trop lente de l’inflation empêche une détente plus franche à ce sujet.

Devant ces éléments contradictoires, nous maintenons dans nos portefeuilles globaux une allocation neutre sur les actions, avec un équilibre entre notre panier de valeurs défensives et celui, plus cyclique, des valeurs de la transition énergétique. Notre duration obligataire reste nulle en raison de la cherté et de la volatilité des marchés de dette souveraine. Nous continuons d’engranger un rendement croissant sur la partie non investie en actions, via les billets de trésorerie et les bons du Trésor émis en zone euro.

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