Le scénario de taux « plus haut plus longtemps » annoncé par les banques centrales est largement à la fois dans les prix et dans les esprits des investisseurs. A partir de là, quels sont les scénarios possibles ? Soit le ralentissement économique en cours est suffisant pour écarter durablement la question de l’inflation, soit l’équilibre résilience/désinflation reste comme il est. Quoi qu’il en soit, si les investisseurs ont moins peur des banques centrales, le « cycle global commun » cède sa place à des situations locales très différentes entre l’Amérique du Nord, l’Europe et l’Asie.
La réunion du FOMC[1] de novembre, bien que sans réelle surprise, consacre la fin du cycle de hausse des taux de la Fed. Sans écarter définitivement une nouvelle hausse des taux, J. Powell indique que désormais la banque centrale américaine est à l’équilibre entre le risque d’en faire trop et celui de n’en faire pas assez. Dorénavant, moins obnubilés par les faits et gestes de la Fed, les investisseurs vont pouvoir s’intéresser de nouveau aux situations locales.
En Europe, la stagnation est actée par une croissance du PIB plus ou moins nulle depuis 4 trimestres (-0,1% au 3e trimestre soit une croissance cumulée de 0,15% depuis le 4e trimestre 2022 en rythme annualisé). On peut bien sûr s’en désoler ou au contraire se réjouir de l’extraordinaire résilience de l’économie européenne face au choc énergétique sans précédent subie en 2022. Calculer le coût exact de ce choc est complexe mais, si on compare la trajectoire du PIB anticipée par la BCE dans ses prévisions de septembre 2023 avec celle formulée en mars 2022, on trouve un écart de presque 3% ! (Graphique 1)
Si le coût en termes de niveau de revenu est définitif (le gaz russe ne reviendra pas), celui en termes de croissance est largement derrière nous. L’ajustement du secteur de l’énergie et des industries intensives en énergie est déjà bien avancé. La consommation des ménages stagne mais la désinflation qui s’installe sera une source de hausse du pouvoir d’achat en 2024. Dans ces conditions, les économistes s’attendent à une réaccélération très progressive de l’économie européenne tout au long des prochains trimestres. Ce n’est pas le cas aux Etats-Unis (graphique 2).
En effet, aux Etats-Unis, la croissance est restée forte en 2023. Avec la publication hors norme du 3e trimestre (+4,9% en rythme annualisé), la croissance cumulée depuis le 4e trimestre 2022 est de 3,06% en rythme annualisée (contre +0,15% en Europe). Les économistes s’attendent naturellement à un ralentissement de la croissance aux Etats-Unis, ce que les derniers chiffres d’emploi corroborent (150 000 créations d’emploi en octobre et une révision à la baisse de 100k des mois précédents).
Enfin, en Asie, l’économie chinoise semble en voie de stabilisation mais c’est au Japon qu’il se passe enfin quelque chose. La bataille pour sortir de 25 ans de déflation entre dans une phase décisive. Les prix des biens et services ont repris le chemin de la hausse et viennent symboliquement de repasser au-dessus de leur niveau de 1998 ! (Graphique 3).
Pour sortir définitivement de la déflation les autorités monétaires et budgétaires japonaises ont dû jeter toute leur force dans la bataille. Le dernier plan de relance budgétaire décidé par le Premier ministre Kishida participe à donner une impulsion supplémentaire. Selon les économistes de Goldman Sachs, l’effet à court terme sera cependant limité à 0,5% de croissance en plus. Le cœur de la bataille a lieu sur le marché du travail. Il semble que les salaires aient également repris le chemin de la hausse et répondent de plus en plus aux hausses de prix (graphique 4).
Si la victoire sur la déflation se confirme, et avec le soutien de la politique budgétaire, la Banque du Japon pourra sortir prudemment de sa politique actuelle de contrôle des taux à 10 ans (autour de 1%) et de taux courts négatifs (-0,1% pour le taux de dépôts auprès de la BoJ). Etant donné l’extrême sous-évaluation du Yen et la sensibilité des marchés obligataires mondiaux, la prudence est cependant de mise.
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