- Marchés: Le marché continue d’être soumis à des secousses dues aux anticipations concernant le chemin que suivront les grandes banques centrales afin de contrer les pressions inflationnistes. En effet, ces deux dernières semaines ont été marquées par les inquiétudes de la BCE concernant la dynamique de l’inflation et des statistiques économiques aux Etats-Unis donnant plus de poids à l’accélération du resserrement monétaire.
- Les statistiques d’inflation aux Etats-Unis pour le mois de janvier sont venues confirmer, si besoin était, que la dynamique des prix reste préoccupante, en ce sens qu’elle, non seulement, ne se calme pas, mais surtout qu’elle continue de s’élargir sur l’ensemble des biens et des services. Ainsi, l’accroissement des prix a atteint un nouveau pic à 7,5% en glissement annuel, dont 6% pour l’indice en excluant l’énergie et les aliments. Du jamais vu depuis 40 ou 30 ans.
- Evidemment, la question qui nous accompagne depuis des mois est celle de la direction que doit prendre la politique monétaire. Aux Etats-Unis la réponse est maintenaient claire. La normalisation est en route. Le marché croit toujours à un pas rapide concernant la montée des taux, mais plus récemment l’ampleur de la hausse a aussi gagné du terrain. Reprendre trop rapidement l’incroyable assouplissement de la politique monétaire que nous avons connu peut s’avérer trop déstabilisant, d’où la prudence qui sera sûrement adoptée par les banquiers centraux. Mais la réalité obligera ceux-ci à retrouver non seulement des marges de manœuvre mais à rétablir des conditions monétaires plus en ligne avec la réalité économique.
- En Zone Euro, Mme Lagarde et certains membres du conseil des gouverneurs de la BCE essaient de calmer l’incendie provoqué par la conférence de presse à l’issue de la réunion de la BCE la semaine dernière, qui a provoqué un changement des prévisions de marché sur les hausses des taux directeurs et une remontée rapide des taux sur l’ensemble des courbes souveraines de la zone. Il est important d’éviter la panique, mais il serait erroné de faire croire qu’il est urgent d’attendre avant de normaliser la politique monétaire de la BCE. L’inquiétude des membres du conseil concernant la dynamique de l’inflation est juste. Commencer plus rapidement à normaliser les conditions monétaires paraît donc tout aussi judicieux.
- Dans ce contexte de changement de régime pour la politique monétaire, avec notamment l’idée que prendre la direction de la normalisation contribuera à atténuer les pressions inflationnistes, il est maintenant assez évident que certains excès de valorisation risquent d’être corrigés, du moins partiellement. C’est dans ce sens que nous continuons à adopter une stratégie visant à s’exposer, par les actions à des valeurs sous-cotées mais de qualité et de rechercher les titres exhibant des bonnes dynamiques de croissance mais toujours avec des valorisations raisonnables.
En janvier, l’inflation américaine a atteint 7,5% en glissement annuel, plus élevée qu’attendue, et un niveau qui nous ramène au début des années 1980. L’inflation hors énergie et aliments se situe aussi à un niveau record de 6%. Cette livraison nous montre aussi que les hausses de prix gagnent du terrain et se diffusent à des segments jusqu’ici plutôt sages. Ceci ne doit pas être vue comme une surprise. L’idée que les hausses des prix vont se cantonner à quelques biens ou des secteurs spécifiques sans se diffuser au reste de l’économie, semble une idée étrange. Ainsi, les indicateurs de la Fed de Cleveland qu’exclut les variations extrêmes ou qui mesure l’évolution des prix médiane, continuent leur progression.
Il est assez probable que certains effets de base vont s’atténuer graduellement au cours des de cette année, y compris sur les prix de l’énergie, même si pour l’instant la dynamique est incertaine. En revanche, l’hypothèse d’un basculement rapide des prix vers une décrue semble très peu probable dans un horizon proche.
En ce sens, il semble assez évident que la politique monétaire doit contribuer à atténuer les pressions inflationnistes. L’idée que ces pressions viennent purement de goulets d’étranglements est fausse. La politique monétaire actuelle est simplement pas adaptée à une conjoncture où la croissance a été bien plus forte que prévu et où le marché de l’emploi se trouve en forte tension, ce qui non plus n’avait pas été prévu.
Le marché table aujourd’hui sur près de 7 hausses des taux directeurs d’ici 12 mois. Soit une hausse presque à chaque réunion de politique monétaire à partir de mars. Evidemment, les spéculations vont bon train sur un début plus brutal avec une hausse de 50 points de base en mars. Ceci peut paraître trop agressif, mais ce serait une manière de souligner la volonté de la Fed d’ancrer les anticipations du marché. Ceci néanmoins ne changerait pas vraiment la donne de manière dramatique sur les conditions monétaires qui prévalent aujourd’hui, surtout si l’inflation continue de caracoler autour de 7-6%.
Il est certain que pour les marchés et l’économie la rapidité de la hausse aura des conséquences et peut notamment s’avérer déstabilisant. On peut penser que la Fed, surtout dirigée par Jay Powell, sera prudente. Néanmoins, tout aussi crucial est de déterminer l’ampleur du resserrement.
En ce sens, les chiffres de l’emploi publiés la semaine dernière et cette dernière livraison sur l’inflation ont continué à mettre de la pression sur le taux « terminal » des taux directeurs, c’est-à-dire jusqu’où devra aller la Fed pour normaliser sa politique. Nous sommes aujourd’hui à 1,9%.
Nous pensons qu’il y a encore beaucoup de marge pour que ce taux monte davantage. Néanmoins, ce mouvement s’est déjà traduit par une montée des taux nominaux sur l’ensemble de la courbe américaine, avec un aplatissement de celle-ci, car les taux sur les maturités plus courtes ont monté davantage. Le taux à 10 ans est tout de même revenu à 2%, un niveau qu’on n’avait pas vu depuis 2019.
Ce mouvement vers un taux terminal plus élevé, se reflète aussi dans la composante des taux qui réagit le plus, soit les taux réels. Nous sommes, tout de même, encore très loin des taux réels sur le taux à 10-ans qui prévalaient en 2019. Ceci nous pousse aussi à dire qu’il y a encore un potentiel de montée des taux longs dans les moins à venir même si nous aurons des périodes de consolidation.
Tous les mouvements décrits reflètent surtout l’évolution des taux directeurs. Néanmoins, nous somme dans l’ère de l’assouplissement quantitatif. Ainsi, il reste à savoir à quelle vitesse le bilan de la Fed va pouvoir se réduire.
Nous continuons de penser que c’est plutôt vers la fin de l’été que le bilan commencera à être réduit. Certains il y a un risque que ceci comment de manière plus prématurée, mais comme Jay Powell l’a souligné, il y a encore beaucoup d’incertitudes sur comment le dégonflement du bilan agit sur le marché et donc sur l’économie. C’est pour cette raison que nous pensons qu’un gradualisme très prudent sera adopté.
Au total, la réalité doit pousser vers la sortie des politiques extrêmes qui avaient été adoptées. Le message qu’elle nous donnaient il a juste un plus de 6 mois, qui consistait à penser que la politique monétaire pouvait rester très accommodante de manière durable est bien passé.
En Zone Euro, les commentaires de Mme Lagarde et d’autres dirigeants de la BCE depuis plusieurs jours sont orientés à tenter de modérer, voire à changer la perception laissée par les propos tenus lors de la conférence de presse à l’issue de la réunion de politique monétaire la semaine dernière. Ceci consiste, notamment, à souligner les différences avec la situation américaine pour justifier qu’il n’y a pas d’urgence à modifier le chemin concernant un resserrement de la politique monétaire. Ainsi, des éventuelles hausses de taux n’auraient lieu, si jamais ne cela est nécessaire, que très graduellement. Tout autre chemin pourrait venir casser la dynamique de reprise de la Zone Euro. Bref, le caractère temporaire des hausses des prix est de nouveau mis en avant.
Ce discours semble très peu crédible et le marché semble ne pas y croire à cette volteface. Alors qu’on peut estimer que de la prudence est nécessaire, il serait tellement erroné de nier la réalité. En effet, il semble évident que les économies européennes n’ont pas besoin de la même stimulation de politique économique que lors des deux dernières années.
Il est vrai que le niveau du PIB de la zone reste en dessous de celui qui aurait été généré si la croissance avait été proche du potentiel pendant la période de pandémie. Néanmoins ceci peut s’expliquer par le fait que certains secteurs, notamment le tourisme restent encore bien en dessous des niveaux d’avant crise ou l’activité dans le secteur automobile qui subit des contraintes d’intrants. Ces secteurs devraient retrouver en grande partie leur niveau d’activité.
Mais, ailleurs l’activité a bien redémarré, se traduisant par la poursuite de la baisse du taux de chômage, notamment. En effet, le taux de chômage de la zone est aujourd’hui en dessous de celui qui prévalait avant la crise et un des plus bas qu’ait connu la zone. L’idée que les salaires vont continuer d’être sages semble extrêmement optimiste. De fait, d’ores et déjà des signes sont présents d’une accélération de ceux-ci.
Afin d’accompagner les marchés et les économies dans cette phase de transition qui ne sera pas simple, il est très important d’éviter les discours contradictoires et encore plus de nier la réalité pour ne pas agir. Encore une fois, il ne s’agit pas de « paniquer » et entamer un resserrement dont la brutalité serait néfaste pour la zone euro qui sur les dix dernières années a été soumise à des fortes pression déflationnistes. Mais, souffler le chaud et le froid risque de faire plus mal que du bien.
Pour l’instant, les marchés ont du mal à naviguer dans cette sortie de la largesse monétaire. Les marchés obligataires sont, comme on pouvait s’y attendre, parmi les plus affectés. Nous sommes très prudents sur ce segment, même si nous pensons qu’on peut toujours chasser du rendement sur le HY en étant très sélectifs. Par ailleurs, la valorisation sera un facteur important dans cette phase, mais évidemment pas le seul. Alors que la croissance est préservée, il nous semble qu’on peut aller s’exposer au risque en cherchant la qualité.