- Les marchés ont rebondi nettement la semaine dernière, en partie parce que les scenarii les plus négatifs concernant le conflit en ukrainien et ses conséquences ne se matérialisent pas pour l’instant. Maintenant que la surréactions des marchés est effacée, une poursuite de leur rebond est moins incertaine alors que les incertitudes sur les perspectives économiques qui restent élevées et que les banques centrales sont moins accommodantes.
- Les banques centrales sont de façon surprenante assez optimiste. En raison des craintes inflationnistes, La Fed et la BCE ont surpris en mars en indiquant un resserrement de leurs politiques monétaires plus rapide qu’attendu, qui conduirait à des politiques monétaires les plus dures depuis des années. Malgré leur resserrement monétaire et les chocs externes (guerre, prix des matières premières, nouvelle vague de Covid en Asie et en particulier Chine), les banques centrales anticipent que la croissance resterait au-dessus de son potentiel. Et malgré une croissance au-dessus du potentiel, les pressions inflationnistes se réduirait et l’inflation reviendrait proche de leur cible d’ici un ou deux ans.
- Bien que le scénario proposé par les banques centrales soit possible, les risques sont clairement orientés vers une croissance qui déçoit et vers une inflation qui reste plus élevée qu’attendu dans les prochains mois. Comme les banques centrales sont plus en alerte sur les risques inflationnistes que sur les risques sur la croissance pour l’instant, le risque et qu’elles soient encore plus restrictives à court terme, ce qui pourrait peser sur les marchés. En revanche, les craintes sur la croissance pourraient gagner en importance dans la seconde partie de l’année, ce qui pourrait empêcher les banques centrales de resserrer leur politique autant qu’elles le souhaitent aujourd’hui.
L’appétit pour le risque sur les marchés a rebondi depuis des niveaux extrêmement faibles. La dernière semaine, le prix des actions a rebondi de 6% (pour le MSCI World), effaçant les deux-tiers de leur baisse depuis le début de l’invasion Russe en Ukraine, et les spreads de crédit sont quasiment revenus à leur niveau de mi-Février. De plus, les actifs européens (actions, change…), les plus affectés par la crise ukrainienne, ont surperformé alors que les actifs refuges ont sous-performé (les taux d’intérêt de long terme et Dollar/Yen sont à des plus haut depuis le début du Covid). Enfin, les prix des matières premières se sont repliés légèrement (l’indice Bloomberg est 6% en dessous de ses points hauts de début mars). Cela reflète une accalmie des craintes liées à l’impact de la guerre en Ukraine, auxquels les marchés avaient surréagi. Notons toutefois que les prix des matières premières restent 12% au-dessus de leur niveau de mi-Février et que les prix des actifs risqués restent en baisse significative depuis le début de l’année (-7% pour le MSCI World).
Sur le plan de l’impact du conflit, les pires scénarii pour l’économie mondiale ne se matérialise pas pour le moment, limitant les craintes sur la croissance. Mais les incertitudes restent élevées et les risques baissiers. La poursuite des négations entre ukrainiens et russes (qui selon certaines sources progressent mieux qu’attendu) et le fait que la chine dise vouloir œuvrer à la désescalade sont des signes encourageants. Toutefois, sur le terrain, l’escalade militaire se poursuit et une résolution du conflit reste peu probable à court terme. Sur le plan des conséquences économiques, les livraisons de gaz russe à l’Europe se sont maintenues en mars à leur niveau pré-invasion et le pétrole russe semble trouver preneur (à prix réduit), permettant au prix du pétrole d’osciller entre 100 et 110 dollars par baril. On est loin des scénarii les plus adverses pour l’instant, qui incluaient un rationnement du gaz en Europe et une hausse du prix de pétrole au-delà des 150 dollars par baril. Cela dit les prix de l’énergie restent bien plus élevé qu’avant la crise ukrainienne, et donc représente encore un frein notable sur la croissance et une hausse de l’inflation dans les prochains mois.
Cette semaine, les premiers indicateurs de confiance pour le mois de mars (les PMIs pour la Zone Euro, IFO allemand, enquête de confiance de l’INSEE) vont donner une première idée de l’impact de la guerre en Ukraine sur l’activité européenne. Le consensus des économistes prévoit une baisse limitée de ses indicateurs qui resteraient en zone d’expansion, probablement en raison des effets positifs de l’amélioration des conditions sanitaires et de l’assouplissement des mesures d’endiguements dans la plupart des pays européens. Cela dit, une baisse plus nette des indicateurs de confiance pourrait remettre les craintes sur les perspectives de croissance sur le devant de la scène.
L’optimisme des banques centrales pose un risque pour les perspectives économiques à moyen terme et les conditions de marché à court terme.
La Fed, la BCE ont surpris lors de leur réunion de Mars en continuant de plaider pour une normalisation assez rapide de leurs politiques monétaires. Surtout, elles sont clairement plus attentives aux risques liés à une inflation qui resterait très élevée qu’à ceux d’une dégradation marquée des perspectives économiques. Cela veut dire que, dans les prochains mois, le risque est que les banques centrales plaident pour des politiques toujours plus restrictives.
La Fed et BCE prévoient le durcissement de leurs politiques monétaires depuis bien avant le Covid d’ici 2023. En effet, la Fed pense remonter ses taux à un niveau qui freinerait l’économie d’ici fin 2023, pour la première fois depuis 2007. Ses membres prévoient ainsi six hausses de taux additionnelles d’ici la fin de l’année (i.e. une hausse de 25pb à chaque réunion avec la possibilité de hausses de 50pb dans les prochains mois) et quatre hausses de taux en 2023. De plus, Jérôme Powell a quasiment annoncé que la réduction du bilan de la Fed serait annoncée en mai (ou juin au plus tard), ce qui durcira encore davantage les conditions monétaires américaines. La BCE, de son côté, prévoit arrêter le Quantitative Easing en juin et semble valider les anticipations de hausse de taux du marché, qui sont pour des taux d’intérêt revenus à zéro d’ici la fin de l’année.
Ces anticipations se basent sur des scenarii des banques centrales optimistes. Malgré le resserrement monétaire et les incertitudes sur les perspectives de croissance (guerre en Ukraine, hausse des prix des matières premières, nouvelle vague de Covid et de restrictions en Chine), la Fed et la BCE anticipent que la croissance restera au-dessus de son potentiel et que l’inflation reviendra vers des niveaux proches de leurs cibles dans les prochaines années (2.3% pour la Fed en 2024 et 1.9% pour la BCE). Bien que ce scénario soit possible, ils sont optimistes dans le sens ou les banques centrales arriveraient à faire atterrir l’inflation en douceur sans générer de fort ralentissement économique. Les risques sont clairement à la baisse sur les perspectives de croissance et à la hausse sur les perspectives d’inflation par rapport à ces prévisions.
Sur la croissance, le resserrement monétaire actuel et anticipé pourrait renforcer tout ralentissement important de la croissance (contrairement au passé récent durant lequel les banques centrales compensaient toute surprise négative sur les perspectives économiques ou sur les conditions de marché). Sur l’inflation, le risque est qu’une croissance au-dessus de son potentiel alors que les marchés de l’emploi sont déjà tendus maintienne des pressions haussières sur l’inflation qui laisserait l’inflation élevée même après que les chocs temporaires (prix de l’énergie, problème de chaîne de production, effet de la réouverture de certains services…) s’estomperont.