Alors qu’en Europe l’adoption des critères ESG[1] se généralise, un débat houleux grandit outre-Atlantique : malgré les effets de plus en plus tangibles du changement climatique, la finance durable n’a jamais été autant attaquée. L’épicentre du mouvement se situe au sud des Etats-Unis, où sur fond de campagne électorale anticipée, le débat autour des idées progressistes, mêlant droits des minorités et enjeux de transition énergétique, fait rage. Retour sur les raisons d’une croisade ‘’anti-ESG ‘’ qui n’a pas fini de faire parler d’elle.
Quand la finance durable devient politique
Avant tout politique, ce débat souligne la difficulté pour le secteur privé, la finance en particulier, à avancer plus vite que la société sur les enjeux de durabilité. Il confronte à la réalité du terrain des futurs souhaitables, qui parfois s’opposent. “Notre mission consiste à restaurer les voix des citoyens (…) dans l’économie américaine en poussant les entreprises à se concentrer sur l’excellence plutôt que sur la politique” déclare le camp des opposants à la prise en compte des critères ESG. Le gouverneur républicain de Floride va jusqu’à dénoncer « l’utilisation du pouvoir économique des grandes entreprises pour imposer aux politiques des mesures qu’elles n’ont pas pu obtenir par les urnes ». Cette situation illustre la difficulté pour les acteurs financiers à jouer leur rôle dans le financement de la transition sans le soutien de politiques publiques claires.
Des paroles aux actes
Cette opposition s’organise sur le plan juridique. La Floride, à la tête d’une alliance de 18 Etats, vient d’adopter une loi visant à interdire l’utilisation des critères ESG au niveau de l’investissement public, des émissions obligataires et des politiques d’achats nationales et locales. Le secteur financier est particulièrement ciblé avec le boycott d’institutions majeures, telles que BlackRock ou JP Morgan, accusées de trop se soucier du climat ou de la lutte anti-armes à feu. Face à la pression, certaines craquent, à l’image du 2e gestionnaire d’actifs mondial, Vanguard, qui s’est retiré de la coalition financière climatique Net Zero Alliance. Ce bras de fer idéologique s’invite également aux assemblées générales des entreprises. En 2023, les propositions de résolutions d’actionnaires attaquant les ambitions sociales ou environnementales des entreprises n’ont jamais été aussi nombreuses1.