Gazprom vs Lukoil : gaz vs pétrole

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Les prix des obligations seniors Gazprom en dollars sont affichés autour de 40% du nominal (35-39% pour les seniors en euros) sur Bloomberg alors que ceux des obligations Lukoil en dollars sont autour de 55-60%. Nous pensons qu’il est intéressant de comparer les profils de ces deux émetteurs russes du même secteur pour comprendre si l’écart de prix est justifié ou non.

Aujourd’hui, la qualité de crédit intrinsèque des deux émetteurs est éclipsée par le risque pays, qui prend logiquement le dessus.

En effet, il est clair que la capacité financière des deux émetteurs à servir leur dette (intérêts et nominal) est solide en temps normal. Cependant, dans le contexte actuel, les marchés craignent les décisions politiques émanant des deux fronts (Russie et Occident), qui pourraient : 1/ interférer dans l’activité des groupes (arrêt de la production et/ou des livraisons), 2/ empêcher ou conditionner le règlement des livraisons, 3/ empêcher ou conditionner le remboursement en dollars et en euros de leurs obligations en circulation et 4/ fermer leur accès aux marchés de capitaux.

Pour le moment, les sanctions occidentales épargnent les secteurs pétroliers et gaziers, étant donné que l’UE est dépendante des hydrocarbures russes. Nous estimons que Gazprom est un peu moins exposé à un risque de sanctions occidentales que Lukoil, car la dépendance de l’UE est plus forte à l’égard du gaz russe que du pétrole russe et ses dérivés. TotalEnergies a d’ailleurs récemment dit qu’il peut « remplacer ce pétrole et ce diesel russes » mais pas le gaz russe, car il n’y a pas d’autres sources disponibles immédiatement et il ne peut pas sortir des contrats long terme sans cas de force majeure.

Les décisions de la Russie en réponse aux sanctions peuvent affecter Gazprom et Lukoil, le gaz et le pétrole étant des armes géopolitiques. Nous estimons, à l’inverse, que le risque de ce côté est plus élevé pour Gazprom, car le gaz constitue un moyen de pression plus fort pour Vladimir Poutine. La Russie vient notamment d’annoncer qu’elle veut désormais le règlement de ses livraisons de gaz vers l’Europe en roubles, en réponse au gel de ses avoirs en dollars à l’étranger. Cette décision surprenante est à mettre en perspective avec la chute du rouble depuis le 24 février 2022 et la possibilité des entreprises russes de rembourser en roubles les dettes en devises fortes détenues par les non-résidents russes de pays hostiles comme les Etats-Unis et l’UE.

Ce contexte de guerre, qui risque de s’enliser, et les sanctions inédites expliquent la volatilité et le manque de visibilité sur le remboursement des obligations d’émetteurs russes et de la dette souveraine en euros et en dollars.

Notons l’aspect technique, qui concerne les deux groupes : les institutions financières américaines (CitiBank, JPMorgan) peuvent bloquer le paiement des intérêts et le remboursement du nominal en devises fortes, même si elles reçoivent le cash des émetteurs russes. Pour le moment, elles ont reçu une autorisation (OFAC) jusqu’au 25 mai 2022 pour recevoir les paiements de la Banque Centrale Russe, mais rien ne garantit qu’elle sera prolongée.

Nous estimons que le risque pays est globalement équivalent pour les deux émetteurs. Nous considérons donc que l’écart de prix d’environ 20 points n’est pas justifié et recommandons d’échanger les Lukoil contre les Gazprom.

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