Les retombées de la crise ukrainienne s’observent à travers le monde. Si l’Occident fait bloc, la Chine continue à afficher son soutien à la Russie de Vladimir Poutine. Dans ce nouvel épisode de notre série Ukraine, Russie : le destin d’un conflit, François Godement, conseiller pour l’Asie, décrypte les intérêts chinois.
L’ampleur du pari engagé par Vladimir Poutine avec l’invasion de l’Ukraine dérègle bien des raisonnements géopolitiques communément admis. Ainsi en va-t-il de l’intangibilité des flux financiers mondiaux. Alors que sanctions et risques de découplage économique faisaient l’objet de débats permanents sur leur utilité, qui aurait imaginé des mesures financières si radicales qu’elles privent la Russie de la plus grande partie de ses propres réserves en devises ? Qui aurait pensé que les démocraties de marché porteraient un coup aussi violent à la globalisation, en réponse à une agression d’un autre siècle ? La secousse est forte aussi pour la Chine, qui pense toujours combiner à son profit une interdépendance commerciale et financière avec le reste du monde et l’opposition à l’ordre libéral international. La réponse des démocraties à la Russie comporte une forte leçon, même si le PIB de la Russie, aux dires même d’économistes chinois, n’est que celui d’une grande province chinoise. Cette leçon, c’est qu’au-delà d’une certaine ligne rouge difficile à tracer à l’avance, et en dépit de la lassitude américaine des conflits ou de l’attachement des Européens à la plus longue paix de leur histoire, des sanctions sans précédent peuvent survenir.