Élue à la tête du Parti libéral-démocrate, Sanae Takaichi s’apprête à devenir la première femme Première ministre du Japon, succédant à Shigeru Ishiba. Si elle partage l’étiquette politique de ses prédécesseurs, son orientation est toute autre : nationaliste, interventionniste et populiste, elle s’inscrit davantage dans la lignée de Shinzo Abe que dans celle d’un conservatisme modéré. Par Véronique Riches-Flores, économiste indépendante chez RichesFlores Research.
Elue à la tête du parti libéral démocrate en fin de semaine dernière, Sanae Takaichi est promise au poste de première ministre du Japon, en remplacement de Shigeru Ishiba, démissionnaire. Bien qu’issue du même parti, S. Takaichi ne s’inscrit pas dans la droite ligne de ses deux prédécesseurs, plutôt modérés et pragmatiques. L’ambition de Mme Takaichi est plus proche de Shinzo Abe. Ses méthodes semblent vouloir s’inspirer de l’ex-dame de fer britannique, M. Thatcher. Enfin, son style et sa rhétorique nationaliste radicale, teintée d’un populisme identitaire à la limite du révisionnisme historique, est incontestablement proche de celui de D. Trump.
- La future tête du gouvernement japonais, première femme à ce poste dans l’histoire du pays, définit sa stratégie économique autour de trois axes principaux :
- Un expansionnisme budgétaire à tout crin, fait de dépenses publiques, notamment en direction d’investissements dans les secteurs d’avenir, et de baisses d’impôts.
- Un interventionnisme monétaire visant à pousser la BoJ à maintenir de bas taux d’intérêt, profitables au crédit et, via une baisse du yen, aux exportations.
- Un tournant protectionnisme, certes, sans comparaison avec ce qui est pratiqué aux Etats-Unis, mais en ligne avec une vision nationnaliste de l’économie : les traités non profitables doivent être renégociés, l’immigration limitée et, dans un souci identitaire, le tourisme régulé.
La stratégie permettra-t-elle au Japon de faire mieux que par le passé et de donner de meilleurs résultats que les Abenomics de 2012 à 2014 ? Ce serait surprenant. Il se pourrait bien, en revanche, que la méthode parvienne à sortir définitivement le pays de l’état de déflation dans lequel il s’était enlisé ces deux dernières décennies pour virer dans celui d’une inflation structurelle, vers lequel il a déjà bien avancé.
C’est sur ce point que les péripéties nippones interpellent, sur ce qu’elles nous disent des effets du vieillissement et, plus encore, sur ce qu’elles révèlent de la préférence actuelle des dirigeants pour l’inflation. Rien d’étonnant compte-tenu des niveaux d’endettement et du climat de guerre économique en présence, d’autant que la BoJ n’a jamais été un modèle d’indépendance. Il n’en reste pas moins que Mme Takaichi passe un cap. Jusqu’où ira-t-elle est incertain mais force est de reconnaître que le dogme de l’indépendance des banques centrales a du plomb dans l’aile et que, dans l’environnement qui se profile, la BCE semble promise à un isolement grandissant. Si le sujet n’en est pas encore un, il pourrait le devenir sans tarder, à moins de deux ans du changement de présidence de l’institution.
