En mars 2024, la banque centrale japonaise a entamé ses premières mesures de normalisation de la politique monétaire avec des taux courts de nouveau positifs dans une fourchette de 0 % à 0,1 %, et surtout l’abandon du contrôle de la courbe des taux (Yield Curve Control), qui avait pour but de maintenir les taux à 10 ans autour de 0 % grâce à l’achat massif d’obligations d’État. Une décision justifiée par des hausses de salaires historiques de près de 5,28 % contre 3,6 % l’année précédente. Une situation rassurante pour le pays où la déflation et la faible croissance étaient installées depuis plusieurs décennies. Les pressions déflationnistes, alors compensées par une inflation importée, ouvrent la porte à une nouvelle dynamique. La faiblesse du yen face au dollar renforce ce phénomène en impactant les importations qui sont particulièrement importantes au Japon. Elle a en effet l’avantage de booster les exportations des grandes entreprises japonaises mais le désavantage de pénaliser par conséquent les importations. Ces hausses de prix se répercutent sur le pouvoir d’achat des ménages, rendant l’objectif d’atteinte de la cible d’inflation à 2 % à long terme plus compliqué.
C’est le différentiel de politique monétaire initié en 2022 suite aux poussées d’inflation aux États-Unis qui a entraîné des réactions des banquiers centraux américains avec des remontées rapides des taux d’intérêts, là où le Japon conservait une politique monétaire accommodante. Actuellement, les taux à 10 ans au Japon se situent autour de 0,90 %, tandis qu’ils évoluent autour des 4,25 %-4,50 % aux États-Unis. C’est la taille de ce spread Yen/Dollar qui pénalise en partie la devise nippone. Un tel différentiel dirige massivement les mouvements de capitaux de la zone yen vers la zone dollar et ne peut que déprécier la devise nippone par rapport à la devise américaine. Les derniers chiffres d’inflation ont fait rapidement chuter le billet vert de 157,21 yens pour un dollar à 155,78 sur le plus bas avant la prise de parole de Monsieur Powell, mais surtout la publication surprise des dot plots qui ne révèlent qu’une seule baisse de taux en 2024, continuant de faire pression sur le yen. Un mouvement renforcé par des interventions prudentes des banquiers centraux japonais qui ne veulent pas précipiter de nouvelles hausses de taux compte tenu du taux de croissance négatif sur le premier trimestre 2024.
En effet, cette baisse de -0,5 % en rythme trimestriel, majoritairement guidée par trois contractions dans les dépenses des ménages depuis le début de 2024, accuse une inquiétude sur cette relance économique. Pour autant, sur le mois de mai, l’activité manufacturière reprend son souffle avec, pour la première fois depuis un an, une amélioration (50,4 contre 49,6 le mois précédent). Le secteur des services, lui, est en léger ralentissement mais poursuit son chemin en territoire positif (53,8 contre 53,6 attendu et 54,3 en avril). Le Japon conserve ainsi une bonne orientation économique avec une inflation qui ne dérape pas (+2,2 % en glissement annuel) et bénéficie des mesures internationales. Une tendance qui ne devrait pas remettre en cause d’autres mesures de durcissement et de soutien à sa monnaie, comme la vente de 62 milliards de dollars depuis le début du mois de mai. Ce vendredi, les attentes étaient tournées vers la décision sur les taux d’intérêt de la BoJ et sur le communiqué final. Il en résulte un statu quo sur les taux d’intérêt mais aussi sur les rumeurs de réduction des achats obligataires. Une remontée des taux longs, qui devrait être prudente, est attendue plutôt pour le mois de juillet. Un soutien à court terme pour les marchés actions, mais ce manque de visibilité sur la politique monétaire freine encore les investisseurs.
Les articles de la Fibee Academy sont rédigés par les étudiants participants au Next Challenge, le grand concours d’analyse financière organisé par Nextwise. En tant que partenaire de l’événement, Fibee met en lumière leurs travaux et leurs réflexions sur les marchés, les entreprises et les grands enjeux économiques de demain.Sur le même sujet :
- Bulle technologique : moins 2000, plus concentration et dette ?
- Une semaine chahutée sur les marchés qui rappelle l’importance de la discipline
- BCE prudente, États-Unis résilients et valeurs françaises sous pression
- Transition énergétique : un ralentissement qui rebat les cartes
- COP30 : l’Europe veut relancer la dynamique climatique