La croissance chinoise : un frein à la bonne tenue des marchés actions ?

C’est clairement la question que se posent les opérateurs à ce stade du cycle, comme en témoignent les performances sectorielles et régionales affichées au cours du mois de mai. Le scénario était pourtant bien rodé, et très largement repris par bon nombre de stratégistes depuis plusieurs mois. La réouverture de la Chine devait « inoculer » un surplus de croissance économique à l’ensemble de la planète et bénéficier aux sociétés exposées au consommateur chinois. Les marchés financiers avaient d’ailleurs pris les devants, propulsant les sociétés du luxe, de loisirs ou encore d’hôtellerie parmi les meilleures performances depuis le début de l’année, notamment en Europe et en Asie, deux géographies traditionnellement bien exposées à la consommation chinoise. Les dernières publications statistiques semblent dépeindre une situation différente des anticipations initiales. En effet, les données économiques et financières publiées récemment s’illustrent par des indicateurs avancés moroses et supposent un rythme de reprise plus modéré. Par ailleurs, les tensions commerciales entre la Chine et les États-Unis redoublent d’intensité, et ajoutent des facteurs de risques à la reprise économique de la zone.

UN IMPACT SUR LES PERFORMANCES SECTORIELLES

À bien y regarder, les performances sectorielles en mai ont bien reflété cette inflexion dans la dynamique chinoise. En Europe, les valeurs du luxe et de cosmétique (LVMH*, L’Oréal*…) ont baissé plus que le marché, même si elles restent encore à des niveaux de performance très satisfaisants depuis le début de l’année. Au Japon, les titres des grands magasins (Takashimaya*…), des sociétés de transport ferroviaire et aérien (East Japan Railway*…) ou encore de distribution sélective (ABC-MART INC*) ont également marqué le pas en mai, contrastant ainsi avec la tendance des derniers mois. Et aux États-Unis, les groupes fortement dépendants de la Chine pour atteindre leurs objectifs de croissance annoncés (YUM Brands*, Starbucks*…) ont également contre-performé, malgré des publications de résultats supérieures aux attentes.
Qu’à cela ne tienne ! Si la Chine déçoit, l’Intelligence Artificielle (IA) emporte maintenant tous les suffrages. La publication trimestrielle de Nvidia* aux États- Unis, mais plus encore les révisions à la hausse de ses perspectives d’activité portées par l’accélération des investissements dans l’Intelligence Artificielle générative ont à nouveau enflammé toute la sphère gravitant autour du thème. La concentration de la performance de l’indice S&P 500 autour de quelques émetteurs s’en est encore renforcée en mai. Cette même performance serait par ailleurs négative si nous devions équipondérer les composantes de l’indice.

DES BORNES DE FLUCTUATION TRÈS ÉTROITES

Au-delà de la volatilité provoquée par l’effondrement des banques régionales américaines, les marchés actions sont enfermés dans des bornes de fluctuation très étroites. Concrètement, les marchés sont au même niveau que ceux de fin janvier, lorsque nous avons décidé d’abaisser légèrement sous la neutralité cette classe d’actifs. Nous restons prudents sans imaginer pour autant un effondrement des marchés. Avec des PER de respectivement 19 et 13 pour les marchés américains et européens, la ligne de crête existe mais est mince. Ces niveaux se justifient si les taux d’intérêt à long terme restent identiques et si, en parallèle, la croissance mondiale n’est pas sévèrement revue à la baisse, ce qui aurait un impact sur les bénéfices des entreprises. Les multiples de valorisation ne pourront plus se justifier en cas de fortes tensions sur les marchés obligataires, ou bien en cas de forte contraction de l’économie.

DES DIVERGENCES GÉOGRAPHIQUES

Nous continuons à afficher une légère sous-pondération sur les valeurs américaines. Le marché reste accroché à des niveaux de multiples élevés et la performance des indices depuis le début de l’année est incroyablement concentrée sur une poignée d’acteurs, rendant la hausse plus fragile qu’ailleurs. Nous préférons l’Europe et le Japon, qui affichent des multiples beaucoup moins élevés pour des perspectives de croissance de résultats quasiment identiques. Enfin, en dépit des mauvaises performances du marché chinois, nous maintenons notre surpondération.

Prec.
Le dynamisme des services commencerait-il à s’essouffler ?
Suiv.
La chronique IsoBourse du 10/06/2023
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