La Guerre en Ukraine accroît les incertitudes

La Guerre en Ukraine est venue modifier assez profondément le climat sur les marchés financiers. Evidemment, la prudence doit l’emporter à très court terme, devant la nature inédite de ce conflit. Néanmoins, en se projetant dans les mois à venir, nous adoptons comme scénario central que le conflit militaire devrait trouver un dénouement, tant le rapport de force est favorable à la Russie. On ne peut négliger l’enlisement, mais nous lui donnons une probabilité plus faible. Dans ce contexte, le coût pour l’économie mondiale pourrait être limité. La principale courroie de transmission sera la hausse du prix des matières premières, et de l’énergie en particulier. Les prix de l’énergie resteront sûrement élevés et coûteront en croissance, mais nous anticipons que la croissance sera préservée. En outre, la normalisation des politiques monétaires pourrait être plus graduelle. Ces éléments nous poussent à nous exposer aux actions avec parcimonie en nous focalisant sur les valorisations et les excès dans la réaction du marché

Les vues de la Gestion à trois mois : La guerre en Ukraine appelle à la prudence à court terme mais on privilégie l’accalmie

Nos convictions sur l’environnement global à un horizon de trois mois: l’économie et les banques centrales

·       L’Europe est en guerre, avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Le Président russe peut-il gagner, ou, pour être plus précis, qu’est-ce que l’histoire nous enseigne en la matière ? La liste des agressions menées par l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS) est longue. Elle a conduit les Etats-Unis et leurs alliés à renforcer leurs efforts d’endiguement. Positionner l’attaque de l’Ukraine en cours sur cette trajectoire invite à conclure que l’Occident fera bloc et que la Russie ne pourra que sortir affaiblie de l’exercice guerrier qu’elle a engagé. La Russie n’est cependant pas l’URSS, au-delà des discours sur les nostalgies qui pousseraient le « Maître du Kremlin » à tenter de reconstruire celle-ci en tout ou partie. Comment ne pas voir que Moscou a enregistré de « jolis » succès diplomatiques et militaires en Syrie et en Afrique au cours des dernières années ? Peut-il en être de même aujourd’hui avec l’Ukraine ? On ne sait évidemment pas ; mais la référence ne doit pas être oubliée. Les préoccupations concernant le profil des prix ne disparaissent pas.

·       Voilà pour les messages de l’histoire. Un fil conducteur les unit et sans doute doit-on le tirer une fois encore aujourd’hui ; à savoir, une politique de fermeté des pays occidentaux, et des organisations qui les unissent, vis-à-vis de la Russie. Il faut en déduire deux choses qui décrivent un environnement ressemblant à la « guerre froide » : un découplage économique (progressif si possible, sachant que les Américains sont moins concernés que les Européens) et une augmentation des budgets militaires des pays de l’Union Européenne.

·       Alors, quel balisage devant ? L’alternative est sans doute entre :

–      1) un déroulé du type Budapest 1956 ou Prague 1968 avec une conclusion plutôt rapide de l’intervention armée en faveur de la Russie ; un calme en forme de chape de plomb en politiques intérieur et extérieur et un retour à une normalité « écornée » en matière économique ;

–      2) un scénario du genre invasion de l’Afghanistan par l’Armée Rouge (1979), avec un changement de régime par la force qui aboutit à une logique de pays occupé avec une résistance armée (à moins qu’il ne faille parler de guerre civile) durant plusieurs années.

·       Sait-on choisir entre ces deux « histoires » ? Au moment où on écrit, hélas non. On se trouve face à une incertitude, qui va peser sur la dynamique économique.

·       L’Occident n’intervient pas militairement dans la guerre déclenchée par la Russie en Ukraine, au moins pas directementEn revanche, une série de sanctions économiques ont été prises. Elles sont très similaires à l’intérieur du G7 (Union Européenne comprise, sans oublier l’Australie et la Suisse). Elles mêlent : interdiction d’exporter des produits/services indispensables à un certain nombre de secteurs-clé de l’économie russe (composants électroniques, logiciels, équipements pour les industries aéronautique, spatiale et raffinage pétrolier) ; gel des réserves de la banque centrale russe placées dans les pays du G7 « élargi » ; exclusion d’un certain nombre de banques russes du système de messagerie et de transaction financières SWIFT (en s’arrangeant pour que le secteur énergétique passe entre les « mailles du filet ») ; interdiction d’accès aux marchés de capitaux occidentaux ; blocage des services de cartes bancaires proposés par Mastercard et Visa aux institutions financières russes ; fermeture des espaces aériens ; suspension du projet de gazoduc Nord Stream 2 ; gel des actifs détenus dans les pays du G7 « élargi » par une série de personnalités russes de premier plan (dont le Président Poutine). Les implications devraient être redoutables en matière économique : baisse de la croissance et accélération des prix. Les marchés paraissent s’y préparer et l’histoire nous rappelle que cela s’est déjà produit : au cours des années récentes, 2008 (la Géorgie) et 2014 (la Crimée).

·       Le reste du monde, singulièrement l’Europe, ne « passera pas entre les gouttes » de ce désastre annoncé. La poursuite de l’accélération des prix et un repli de la confiance en sont les ingrédients principaux. Ainsi, le prix du pétrole brut a augmenté de 25% (+20 dollars par baril) en un mois et celui du gaz « européen » de 75%. De même, il n’est pas possible d’extrapoler le rebond des indices PMI[5] de beaucoup de pays en février (par exemple pour les pays développés, de 53,2 à 53,6) ; ce n’est plus que de l’histoire ancienne. La croissance va ralentir et l’inflation se faire plus vive ; avec des Etats-Unis moins pénalisés que la Zone Euro. Dans ces conditions, la normalisation monétaire se fera plus graduelle. Le marché qui pariait sur un niveau du taux des fonds fédéraux de 1,63% en fin d’année il y a juste une semaine, le voit dorénavant à 1,20%. Le mouvement est similaire en Zone Euro, avec le rendement du contrat Euribor[2] 3 mois décembre 2022 passant de +0,055% à -0,23%.

Nos convictions financières à un horizon de trois mois

·       La Guerre en Ukraine est venue modifier assez profondément le climat sur les marchés financiers. Evidemment, la prudence doit l’emporter à très court terme, devant la nature inédite de ce conflit. Néanmoins, en se projetant dans les mois à venir, nous adoptons comme scénario central que le conflit militaire devrait trouver un dénouement, tant le rapport de force est favorable à la Russie. On ne peut négliger l’enlisement, mais nous lui donnons une probabilité plus faible. Dans ce contexte, le coût pour l’économie mondiale pourrait être limité. La principale courroie de transmission sera la hausse du prix des matières premières, et de l’énergie en particulier. Les prix de l’énergie resteront sûrement élevés et coûteront en croissance, mais nous anticipons que la croissance sera préservée. En outre, la normalisation des politiques monétaires pourrait être plus graduelle. Ces éléments nous poussent à nous exposer aux actions avec parcimonie en nous focalisant sur les valorisations et les excès dans la réaction du marché.

·       Nous continuons à sous pondérer les titres d’Etat. Les taux longs ont fortement baissé. Néanmoins, il nous semble que si comme nous le pensons, la croissance est préservée et l’inflation reste plus élevée que prévu, les taux longs devraient reprendre une tendance ascendante.

·       Nous restons neutres sur le Crédit européen. Etant donné les écartements de spread[3] au cours de la période récente, avec les investisseurs « fuyant » les actifs risqués, il nous semble que dans un scénario d’accalmie les niveaux des spreads pourraient se réduire. Néanmoins, la reprise de la hausse des taux souverains viendrait à nouveau mettre de la pression sur le crédit, notamment Investment grade[1] (IG). Nous préférons donc chercher plutôt de la valeur sur le segment du High Yield[4] européen.

·       Tout en étant très prudents à court terme, nous conservons tout de même notre conviction de maintenir une exposition aux actions. Tout en étant conscients des dangers suscités par le conflit actuel, nous croyons à une résolution et surtout il nous semble que la panique a gagné le marché avec peu de discrimination. Ainsi, nous pensons que les valeurs européennes ont un fort potentiel de rebond, d’autant plus si la BCE est moins agressive dans la normalisation de la politique monétaire. En revanche, devenons plus prudents sur la Chine, compte tenu du manque d’activisme du gouvernement pour soutenir l’activité.

·       Du point de vue des risques, nous augmentons la probabilité du scénario adverse à 35% de 25% préalablement. Celui-ci reflète une situation d’enlisement grave pouvant faire basculer les grandes économies en récession. Le scénario central, de « croissance préservé » passe à 60%, et le scénario positif reste à 5% de probabilité.

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Termes et définitions
1. Investment Grade ( Investment grade ) L'expression "Investment Grade" (en français, "notation de qualité d'investissement") fait référence à la catégorie de qualité attribuée par les agences de notation aux obligations et aux émetteurs d'obligations.
2. Euribor ( Euribor ) L’Euribor, acronyme de “Euro Interbank Offered Rate”, est un taux de référence interbancaire en euros. Il est utilisé…
3. spread. Le terme “spread” peut avoir plusieurs significations dans le domaine financier, en fonction du contexte. Voici les principaux…
4. High Yield ( High Yield ) L’expression “high yield”, en français “haut rendement”, est couramment utilisée dans le domaine de la finance et des…
5. PMI ( PMI ) L'indice PMI (Purchasing Managers' Index) est un indicateur mensuel qui mesure la performance des secteurs de l'industrie manufacturière et des services.
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