Il y a beaucoup de débat sur la transition énergétique.
Je participe fréquemment à des émissions de télévision et je n’ai jamais rencontré un climato-sceptique avéré.
Le déni est plus subtil. Comme personne ne peut vraiment prétendre être indifférent au réchauffement climatique, ceux qui se décrivent comme des “climato-réalistes” ont d’autres arguments :
“Oui, nous devons sauver la planète, la biodiversité… mais…”
…il ne faut pas se précipiter, les habitudes ne changent pas rapidement…regardez comment le charbon continue d’être massivement utilisé
…il faut continuer à investir dans les hydrocarbures sinon les prix de l’essence vont flamber et nous avons besoin des compagnies pétrolières pour investir dans la transition
…être plus écologique que les Chinois, les Indiens (par exemple) nous pénalise sur le plan concurrentiel…
…si nous installons des éoliennes ou des panneaux solaires pour répondre à la demande d’énergie, et si nous passons massivement à la voiture électrique, nous jouons le jeu des Chinois et nous manquerons d’espace…
…la transition énergétique coûte cher, tout le monde va payer, donc c’est inégalitaire…
Et pour finir, le meilleur argument : comment osez-vous prôner une transition énergétique alors que vous possédez une voiture ou un iPhone ou que vous partez en vacances en avion !
En résumé : la transition énergétique est impossible.
J’entends aussi de la part des professionnels de la finance durable un argument disant : “il ne faut pas désinvestir des compagnies pétrolières ou gazières”. L’idée est de changer les choses de l’intérieur. Chaque période d’assemblée me fait douter de plus en plus. Les horizons ne sont pas les mêmes et les objectifs sont totalement contradictoires. D’un côté, la planète, de l’autre, la rentabilité à très court terme. Je pense que des coalitions d’actionnaires institutionnels pourraient (je dis bien pourraient) faire évoluer les choses, mais pour le moment, force est de constater que cela ne va pas assez vite.
Un épargnant individuel ou un actionnaire très minoritaire doit se poser la seule question qui compte pour lui : comment protéger au mieux son épargne dans un contexte de transition, et une fois qu’il a répondu à cette question, comment, si possible, faire fructifier cette épargne.
Je parle ici uniquement de l’épargne à long terme. La spéculation à court terme a une logique et un couple performance/risque totalement différent.
Si nous réfléchissons de manière objective, comme un investisseur à long terme, nous devons nous désengager de tous les investissements liés directement aux hydrocarbures.
Il est probable que l’investissement dans les hydrocarbures finisse comme l’investissement dans le charbon : toutes les entreprises liées au charbon ont fortement baissé ou ont fait faillite… bien sûr, il reste des producteurs de charbon mais ils sont désormais détenus par des entités étatiques ou proches de l’État. Quel investisseur particulier investirait dans des compagnies liées au charbon ?
Cela va prendre du temps pour les hydrocarbures mais c’est la suite logique de la baisse de la demande qui va inévitablement arriver et comme pour le charbon, les réserves enfouies actuellement vont progressivement voir leur valeur arriver à 0.
Les compagnies pétrolières, qui sont tout à fait rationnelles, limitent leurs investissements dans le pétrole…elles préfèrent rendre l’argent à leurs actionnaires via des dividendes ou des rachats d’actions. Dans ce contexte, pourquoi investir dans des entreprises qui n’investissent pas dans leur propre secteur ?
Les banques et de nombreux assureurs sont également à éviter : une part non négligeable de leur rentabilité provient des hydrocarbures. Inutile de prendre le risque d’investir dans des acteurs qui devront rapidement, et sous pression, changer de cap…
Ces désinvestissements dans les hydrocarbures permettent d’éviter des risques directement liés à la transition énergétique, ce qui est très important mais insuffisant. Il faut aussi se projeter pour faire fructifier son épargne.
Contrairement à ce que pensent mes amis climato-réalistes : l’avenir n’est pas écrit. La technologie accélère massivement depuis plusieurs années. Le raisonnement “figé” menant à n’anticiper aucune amélioration de la productivité s’est toujours avéré totalement faux historiquement. Il est même à noter que dans les périodes de crise ou de guerre, les améliorations technologiques ont parfois été spectaculaires.
Rien ne dit donc que l’avance de la Chine sur les véhicules électriques ou les batteries par exemple soit définitive. Par ailleurs, le coût du MWh provenant du renouvelable a connu une telle baisse que l’avantage compétitif des énergies propres pourrait s’avérer très intéressant en Bourse !
Enfin, le rapport Pisani-Ferri de la semaine dernière a confirmé que l’investissement nécessaire allait être massif : 60 milliards d’euros par an sur 10 ans minimum pour la France.
Chacun a exprimé ses craintes concernant le rôle de l’État ou l’impôt.
Un peu de mesure : rapporté au PIB français, nous parlons de 2,5% du PIB. C’est un problème d’allocation, rien de plus, et compte tenu des enjeux, cela semble tout à fait gérable tant sur le plan financier que social.
Rapporté à l’épargne des Français, cela représente moins de 1%. Une stimulation de type crédit d’impôt, à l’image de ce qui avait été fait à l’époque du lancement de l’assurance-vie, permettrait, relativement facilement, d’orienter l’épargne vers les énergies renouvelables pour ceux qui le souhaitent.
En conclusion, les arguments de mes amis climato-réalistes ne sont pas très convaincants et cachent mal leur désarroi face à un monde qui change !
Enfin, en termes d’hypocrisie, les climato-réalistes évoquent souvent le « il faut poursuivre l’investissement dans le pétrole » mais je ne suis pas sûr du tout qu’eux-mêmes investissent leur épargne dans des valeurs pétrolières…dans ce cas à qui s’adresse le « il faut » ? à l’état via nos impôts…c’est drôle ça !