- Les marchés avaient pris presque pour acquis la défaite de Mme Le Pen aux élections présidentielles. En effet, sur la dernière semaine, la légère prime qui s’était installée sur les obligations françaises par rapport aux obligations allemandes, en prenant les maturités à 10 ans comme référence, s’était complétement dissipée. Certes, certaines valeurs en bourses continuaient de pâtir de la crainte associée à l’éventuelle prise de pouvoir de la candidate du Rassemblement National, notamment de la possible nationalisation de certaines activités. Ces craintes devraient se dissiper. Toutefois, au-delà du soulagement de court terme que la victoire d’Emmanuel Macron devrait susciter, la volatilité pourrait de nouveau revenir dans les semaines qui viennent selon les potentielles alliances qui pourraient émerger pour la bataille des élections législatives, suscitant des questions sur la majorité qui pourrait se constituer à l’Assemblée. En tous les cas, la réélection du président Macron est un élément rassurant pour les marchés qui devrait au moins soutenir l’euro à très court terme.
- On voit déjà l’euro se redresser quelque peu. Néanmoins, la période récente reste dominée par la forte appréciation du dollar. Les incertitudes géopolitiques et surtout le resserrement monétaire américain ont contribué à soutenir le billet vert. Par ailleurs, notamment en regardant vers l’Asie où les politiques monétaires restent accommodantes, on continue de voir certaines monnaies perdre de la valeur de manière accélérée. C’est notamment le cas du yen qui a atteint sa plus faible valeur vis-à-vis du dollar depuis des décennies. Ce mouvement un peu désordonné des monnaies pourrait venir accentuer les tensions qu’existent sur l’économie mondiale. À ce stade, les autorités monétaires américaines peuvent se réjouir d’un dollar plutôt fort, car ceci attenu les pressions inflationnistes, dans un contexte où l’inflation est historiquement élevée.
- Sur les marchés, au niveau global, les conséquences de la guerre en Ukraine, les risques d’une croissance chinoise qui resterait affaiblie par les mesures de confinement dures, et une trajectoire de normalisation des politiques monétaire, plus rapide et plus forte aux Etats-Unis et dans une moindre mesure en Zone Euro sont autant de facteurs peu enclins à maintenir une dynamique porteuse. Il est très probable que la volatilité restera élevée. En particulier, celle-ci sera nourrie par la rapide montée des taux d’intérêt à long terme (autour des taux à 10-ans à 2,9% aux Etats-Unis et à près de 1% pour la Bund[1] allemand), intégrant des anticipations d’inflation plus élevées et des hypothèses de hausse des taux directeurs des banques centrales plus agressives des deux côtés de l’Atlantique. En effet, un durcissement rapide des conditions monétaire fait craindre à certains un affaiblissement rapide de l’activité. Nous continuons de penser que si bien ces craintes sont justifiées à moyen terme, pour l’instant nous voyons que la croissance reste assez robuste même si la direction reste celle d’un ralentissement. Ainsi, les données préliminaires des enquêtes PMI[2] de S&P pour le mois d’avril ont montré la résilience de l’activité, notamment devant le choc associé à la guerre. Néanmoins, on constate bien que les hausses de coûts sont un facteur de frein à l’activité, alors que viennent s’ajouter des craintes de nouveaux goulets d’étranglement sur les chaînes de production dues aux restrictions d’activité en Chine. Au total, le mois d’avril fait souffrir les investisseurs avec peu d’endroits pour se réfugier, avec des taux plus élevés et des bourses qui souffrent. Il nous semble que la prudence devrait rester de mise.
Devant le nouveau choc qu’a subi l’économie mondiale, avec la guerre en Ukraine et son impact sur les matières premières et les incertitudes engendrées, et des changements très différenciés des politiques monétaires, on ne peut que constater l’approfondissement des divergences dans la direction prise sur les marchés des changes. En effet, alors que la guerre est venue renforcer le dollar comme valeur refuge, le billet vert bénéficie aussi des perspectives de resserrement plus fort qu’anticipé.
En même temps, la persistance de politiques monétaires plus qu’accommodantes, ou des resserrements plus modestes, sont aussi venus apporter leur soutien à la montée du dollar. Ainsi, la tendance à l’appréciation entamée depuis à peu près un an s’est accentuée sur le dernier mois, portant la devise américaine (vis-à-vis les principales monnaies) vers les points les plus hauts connus sur les 20 dernières années.
La tendance à l’appréciation du dollar ne se fait pas de manière homogène. En effet, le yen, en particulier, qu’il y a encore quelques années était vu comme une valeur refuge, a complétement perdu ce statut, et s’est fortement déprécié récemment, en partie du fait de la divergence de politique monétaires entre la Fed et la BoJ. En effet, cette dernière conserve une politique très accommodante, en tentant toujours de pousseur vers le haut les anticipations d’inflation. Elle continue de maintenir un plafond pour les taux à 10 ans afin de conserver une politique ultra accommodante. Lors de sa réunion de politique monétaire de cette semaine, peu de changements devraient être faits, ce qui pourrait se traduire par le maintien d’une pression baissière sur la devise nippone. Au total, le change reste aussi une arme dans le but de stimuler l’inflation.
Toutefois, ceci a évidemment une limite et pourrait à terme commencer à créer des tensions entre partenaires commerciaux. En effet, la baisse du yen offre une compétitivité accrue au secteur exportateur japonais. Le revers de la médaille est qu’en cette période de hausse des prix des matières premières, la perte de valeur de la devise exacerbe la hausse de la facture que doit payer le Japon.
Justement, la perte de valeur du yen pourrait déjà devenir un sujet de tension avec les Européens, notamment avec l’Allemagne qui dans plusieurs domaines industriels, notamment l’automobile, sont des concurrents des Japonais. On voit bien que malgré la perte de valeur de l’euro vis-à-vis le dollar, celle-ci est bien plus modérée que celle du yen.
En fait, quand on mesure les évolutions des taux des changes de l’euro et du yen vis-à-vis de leurs principaux partenaires, corrigés des évolutions d’inflation, on constate bien la dépréciation bien plus prononcée du yen, qui s’est fortement accélérée récemment. Ceci donne un vrai avantage compétitif à l’industrie nipponne par rapport aux Européens.
Il est probable que si ces évolutions persistent des tensions vont émerger sur les marchés des changes, d’autant plus que dans une économie mondiale qui ralentit la « chasse » aux exportations sera un possible moteur d’expansion.
Alors qu’on craint toujours que les multiples chocs que nous subissons (guerre, inflation et resserrement monétaire) puissent fortement affaiblir la croissance, il est rassurant de voir que l’activité reste néanmoins robuste des deux côtés de l’Atlantique. Du moins, c’est le message que nous ont donné les enquêtes préliminaires des PMI de S&P pour le mois d’avril.
Aux Etats-Unis, on savait que l’industrie restait résiliente et on en a eu la confirmation avec une nouvelle montée de l’indice, qui a atteint son plus haut niveau depuis 7 mois, soutenu notamment par un rebond des nouvelles commandes. En même temps, les inquiétudes concernant les contraintes au niveau de la production que ce soit en termes d’approvisionnement et des coûts ne se dissipent pas vraiment. Ceci se traduit par des entreprises qui continuent de faire passer ces hausses auprès de leurs clients. Ainsi, on peut s’attendre que les pressions sur l’inflation en provenance du secteur industriel persistent encore.
Du côté des services, le message a été moins encourageant. En effet, apparemment, ces mêmes pressions sur les coûts semblent avoir infléchi la dynamique de croissance du principal secteur de l’économie. Ainsi, l’indice a assez fortement reculé sur le mois, perdant plus de 3 points, pour se situer à 54,7, un niveau qui reste tout de même élevé. Ici aussi, les hausses des coûts (intrants et salaires) a poussé les entreprises à monter leurs prix.
C’est bien sur l’évolution des services qu’on doit rester vigilants pour essayer de lire la trajectoire que peut prendre l’économie américaine. À ce stade, on peut encore rester confiants, avec un marché du travail qui reste très tendu et qui devrait encore soutenir la demande.
En Zone Euro, nous avons une histoire qui est un peu à l’opposé de celle constaté outre-Atlantique concernant les dynamiques sectorielles. En fait, sans surprise, on voit que le secteur industriel souffre davantage du choc associé à la guerre. En effet, même si l’activité dans son ensemble reste porteuse, au niveau de la production, on a vu les entreprises réduire la voilure très nettement en avril, avec l’indice de production au plus bas depuis près de deux ans.
Par contraste, on a pu constater que l’ouverture des économies continue à porter l’activité dans les services qui remonte au plus haut niveau depuis 8 mois. La dynamique de réouverture, devrait porter notamment l’industrie du tourisme alors qu’on s’approche de l’été et s’avérer sûrement une source importante d’activité. Néanmoins, encore une fois, comme aux Etats-Unis la hausse des coûts pourrait s’avérer une contraint pour la demande dans les mois à venir.
La publication du PIB américain comme celui de la Zone Euro pour le 1T22, cette semaine, devraient nous montrer les effets négatifs de l’épisode de contagions de début d’année. Aux Etats-Unis, malgré un consommateur résilient, la faiblesse du commerce extérieur et un comportement de stockage défavorable devrait se traduire par une croissance faible autour de 0,3% sur le trimestre. En Europe, on devrait connaître un résultat similaire. Néanmoins, le 2T22 devrait être de meilleure facture. Pour l’avenir, nous voyons toujours la croissance résister pour les quelques trimestres à venir.