Une Rolls blanche déambule lentement, dans un silence biblique – perturbé uniquement par le bruit du moteur et les crissements des pneus sur l’asphalte. Il fait très chaud, nous sommes au mois d’août et le soleil est de plomb dans le désert du Nevada.
Au croisement de Flamingo Road et de Harmon Avenue, le clignotant gauche s’active et le véhicule tourne lentement sur la rampe d’accès de l’un des établissements les plus en vogue de Las Vegas, le Bellagio.
Le chauffeur descend et ouvre la porte arrière droite, dont descend le protagoniste de notre histoire : Mr Lee.
Mr Lee est l’un des joueurs de poker les plus en vue du moment. Il a remporté quatre fois les World Poker Series et vient défendre son titre. Pour ce faire il a emmené avec lui 1 million de dollars – en liquide rendez-vous compte! – prêts à être utilisés sur le tapis vert.
Après avoir été installé au siège qu’il ne quittera pas pour les 48 prochaines heures, il commande son drink fétiche : un Americano.
Les premières mains se déroulent plutôt bien mais assez rapidement la chance tourne : en quelques heures, son million de dollars est bien entamé et les perspectives de victoire sont plutôt minces. D’un discret geste de la main, Mr Lee interpelle le dirigeant du casino.
Pour se refaire il va utiliser un principe vieux comme le monde : l’effet de levier[1]. La théorie est simple, Mr Lee demande à la banque une avance de 10 millions de dollars (contre remboursement avec intérêts bien évidemment – le Bellagio n’est pas non plus une ONG), cela va lui permettre de jouer avec 10 fois sa mise initiale et donc de multiplier par autant ses gains potentiels (… ses pertes aussi…).
Au début, les résultats sont mirobolants : la veine est de la partie et les profits sont très substantiels (il a maintenant 13 millions de dollars en face des yeux !). Néanmoins, après quelques tours de cartes malheureux, sa pile de jetons passe de 13 millions de dollars à 5. Et c’est un vrai problème car rappelons qu’il en doit 10 au casino.
A ce moment-là, deux hommes à l’air plutôt patibulaire lui demandent de les suivre dans une pièce à l’écart : il est l’heure de passer à la caisse. Et Mr Lee n’a pas vraiment le choix : il doit trouver l’argent quoiqu’il en soit. Pour ce faire il cède ses actifs personnels qui lui tiennent pourtant vraiment à coeur, quel malheur de voir cette magnifique Rolls Phantom bradée pour une fraction de son prix d’achat… C’est la banqueroute.
Aujourd’hui, les marchés financiers sont le Bellagio, les investisseurs sont Mr Lee et les actions sont des Rolls Phantom. Après les récentes crises que nous avons connues, l’effet de levier a nourri la hausse sans précédent de ces dernières années mais est aujourd’hui au plus haut historique, il commence à décliner et en général cela n’est pas de très bonne augure (ci-après un graphique assez éloquent).
Sin City me direz-vous….
Excellente semaine,
Max