Le français Assystem au cœur de la relance du nucléaire civil

Alors qu’il ne faisait aucun doute que les besoins en électricité continueraient de croître, le nucléaire avait fini par perdre ses lettres de noblesse dans plusieurs pays pourtant pionniers comme la France. Aujourd’hui, les engagements climatiques et les tensions énergétiques provoquées par la guerre en Ukraine rebattent les cartes.

Avant que la Russie n’envahisse son voisin, les rapports de l’Agence Internationale de l’Energie, à l’échelle mondiale, et de RTE (Réseau de Transport d’Electricité) à l’échelle de la France, arrivaient aux mêmes conclusions. D’une part, les besoins en électricité allaient poursuivre leur croissance dans les années à venir. D’autre part, le nucléaire était indispensable pour répondre à la demande et contenir autant que possible les émissions carbonées.

Source : Polytechnique Insight, Quel bilan carbone pour le nucléaire en France ? Jean-Pierre Pervès, février 2022.

Pourtant, ce qui paraît évident pour beaucoup d’observateurs aujourd’hui ne l’était plus en France depuis vingt ans. Il faut dire que l’atome cristallise de nombreuses craintes, comme la question du risque d’un accident et celle de la gestion des combustibles usagés à long terme. En France, le dernier réacteur mis en service date de 2002. L’EPR de Flamanville, dont la construction a débuté en 2007, est le seul projet structurant qui a émergé depuis. La répartition des infrastructures nucléaires dans le monde est paradoxale. Ce sont les Etats-Unis et la France, pionniers en la matière, qui détiennent le plus vieux parc du monde avec une moyenne de 37 ans contre 5 ans en Chine et 15 ans en Inde. Depuis 2017, 27 des 31 nouvelles centrales sont de conception russe ou chinoise.

2022 est l’année du renouveau. Alors que l’énergie nucléaire a retrouvé des soutiens public et politique plus larges en France, les tensions sur l’approvisionnement en gaz, provoquées par le conflit ukrainien, ont précipité les décisions stratégiques en faveur de l’électricité d’origine nucléaire. Cette dernière présente de nombreux avantages : faiblesse du prix de revient au MWh, pilotabilité de la production et  émissions de gaz à effet de serre quasi-nulles. Surtout, les sources d’approvisionnements diversifiées en matière nucléaire rendent moins forte la dépendance à un pays producteur à l’inverse des secteurs du gaz et du charbon.

En France, après la publication du rapport de RTE, le Président Macron a mis en place le « chantier du siècle » de l’énergie, avec un programme de six réacteurs EPR2 assorti d’une option pour huit unités supplémentaires d’ici 2050. Le chef de l’Etat a aussi décidé d’allonger la durée de vie de tous les réacteurs quand cela est techniquement faisable. Cette stratégie a nécessité la nationalisation EDF afin de faciliter le financement de ce grand programme. A l’étranger, plusieurs pays envisagent d’emboîter le pas de la France voire ont déjà pris des décisions en faveur du nucléaire. La Belgique prolonge ainsi la durée d’exploitation de certaines de ses centrales alors qu’elle prévoyait auparavant de sortir du nucléaire en 2025. La Pologne développe un programme ambitieux de construction de réacteurs. Enfin, l’inclusion du nucléaire dans la taxonomie européenne est un catalyseur important en faveur de l’énergie d’origine atomique sur le Vieux Continent.

Pour Arthur Bernasconi, analyste buy-side chez Gay-Lussac Gestion, la société française d’ingénierie Assystem semble particulièrement bien placée pour répondre aux enjeux du secteur. Avec plus de 6 500 collaborateurs et une présence dans 13 pays, cette société fondée et détenue à 57,9% par son PDG Dominique Louis, connait le nucléaire par cœur. Après des tentatives de diversification, le groupe est revenu vers son cœur de métier où il réalise plus des deux tiers de son chiffre d’affaires, soit près de 330 M€ sur 483 M€ en 2021. Il intervient sur l’ensemble du cycle de vie des réacteurs : études préalables, planification et supervision de la construction de nouveaux sites, inspection et maintenance de l’existant, modernisation et prolongation des durées d’exploitation ou encore démantèlement.  « Assystem détient une place de choix dans l’écosystème du nucléaire civil. La société a accompagné les victoires et déboires du programme nucléaire français depuis cinquante ans. Son expérience lui confère un statut d’acteur incontournable, qui bénéficie aujourd’hui des programmes de rénovation et de modernisation du parc existant et qui bénéficiera demain des projets de nouveaux réacteurs ». Sa connaissance de la technologie nucléaire française laisse ainsi peu de place à la concurrence au sein des appels d’offres d’EDF, d’Orano ou du CEA. Les principaux concurrents se trouvent à l’étranger, tels Jacobs et Aecom aux Etats-Unis, Snc Lavallin au Canada ou WorleyParsons en Australie.

Si la France est le pays le plus attractif pour le groupe aujourd’hui, Assystem est aussi présent sur de nombreux projets à l’étranger. C’est le cas du Royaume-Uni, engagé dans la construction d’EPR et l’étude de SMR (Small Modular Reactors) et d’autres pays en Europe et au Moyen-Orient. Le groupe se positionne tactiquement dans certains pays porteurs comme l’Inde qu’il pénètre grâce à ses activités d’ingénierie d’infrastructures.

Les perspectives d’Assystem sont portées par le dynamisme du nucléaire. A moyen terme, l’activité devrait être tirée par les projets de nouvelles constructions avant d’atteindre un plateau qui devrait être très élevé entre 2035 et 2050. Si la marge opérationnelle d’activité atteignait 6,6% en 2021, elle devrait progresser grâce à la croissance de l’activité dans les années futures. La vision de long terme inhérente et nécessaire dans l’industrie nucléaire devrait permettre à Assystem de disposer d’une forte visibilité, particulièrement appréciée chez Gay-Lussac Gestion.

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