Dans un contexte où les inégalités augmentent dans le monde, un partage de la valeur plus équitable est essentiel pour s’orienter vers une plus grande justice sociale et une meilleure répartition des richesses.
Selon le dernier rapport du World Inequality Lab, les inégalités en matière de revenus et de patrimoine sont en hausse dans le monde (graphique 1). Aujourd’hui, les 10% les plus riches détiennent 76% de la richesse mondiale, tandis que les 50% les plus pauvres n’en possèdent que 2%. Les conséquences économiques et sociales de la pandémie et les conflits géopolitiques actuels renforcent cette tendance. Dans ce contexte, les entreprises ont un rôle à jouer en appliquant et en favorisant les dispositifs de partage de la valeur.
Graphique 1. Inégalités de revenus et de patrimoine dans le monde, 2021
Source : World Inequality LabLe graphique ci-dessus montre que les 50 % des revenus les plus bas capturent 8 % des revenus totaux mesurés à la Parité du Pouvoir d’Achat (PPA).
Le partage de la valeur désigne la répartition de la valeur ajoutée produite par une entreprise entre le facteur travail et le facteur capital. La décision de répartition entre les différentes parties prenantes de l’entreprise (salariés, actionnaires, dirigeants) relève de son choix.
Si en France des discussions sont en cours au Sénat sur le besoin de simplifier, d’étendre, voire d’établir un dividende salarié, les dispositifs existants de partage de la valeur peuvent être utilisés par les entreprises.
Parmi ces dispositifs, la participation (dispositif légal et obligatoire à partir de 50 salariés) prévoit la redistribution obligatoire au profit des salariés d’une partie des bénéfices auxquels ils ont contribué. L’intéressement est facultatif – il permet à toute entreprise d’associer les salariés à des objectifs de performance économique ou financière, sur la base de critères librement choisis et mesurables. La participation au capital, souvent qualifiée d’actionnariat salarié, vise à faire entrer durablement les salariés d’une entreprise, cotée ou non cotée, à son capital. Il s’agit d’un dispositif relativement ancien d’alignement des intérêts entre les détenteurs du capital et les employés.
En complément de ces dispositifs existants, la France a promulgué la loi PACTE (plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) en 2019. Cette loi a notamment pour objectif de mieux partager la valeur créée par les entreprises avec les salariés et permet également de mieux prendre en considération les enjeux sociaux et environnementaux dans leur stratégie. Actuellement environ 9 millions de salariés sont couverts par un dispositif de partage de la valeur.
Ces différents dispositifs existent dans tous les pays européens, mais diffèrent dans la forme ou dans la mise en œuvre. Comme le montre le graphique ci-dessous, avec près de 40% des entreprises offrant une rémunération variable en ligne avec la performance de l’entreprise, la France fait partie des bons élèves en Europe.
Graphique 2. Diffusion des dispositifs de partage de la valeur en Europe en 2019
Source : Direction générale du Trésor
Le partage de la valeur peine à trouver sa place lors des assemblées générales (AG) du CAC 40.
Selon l’Institut du capitalisme responsable, 15 AG ont abordé le partage de la valeur à travers la redistribution des flux financiers aux principales parties prenantes : salariés, actionnaires, Etats, etc. Elles ne sont toutefois que cinq à avoir présenté une information complète et formalisée sur ce sujet. Introduits en France en 2019 via la loi Pacte, les ratios d’équité qui permettent d’apprécier l’écart entre la rémunération des dirigeants et celle de leurs collaborateurs se font toujours discrets lors des AG. Seules six entreprises les ont présentés en séance en 2022, contre sept un an plus tôt.
Coté actionnaires, les entreprises du CAC 40 se sont montrées généreuses en 2021 en redistribuant presque 70 milliards d’euros sous forme de dividendes et de rachats d’actions. Parmi les bons élèves, Legrand a fourni la répartition moyenne de la valeur ajoutée entre collaborateurs (environ 50%), investissements de développement (environ 25%), actionnaires et prêteurs (14%) et Etats (11%) sur 2010-2021. Engie a présenté la répartition de sa création de valeur 2021 en valeur absolue entre actionnaires (dividendes), collaborateurs (7,7 Mds €), entreprises (38,8 Mds€) et Etats et collectivités (3,2 Mds€).
En tant qu’investisseur et actionnaire, nous continuerons d’inciter les entreprises à plus de transparence sur le ratio d’équité, son périmètre de calcul et la politique de rémunération des dirigeants comme des salariés et sur la répartition moyenne de la valeur ajoutée entre les différentes parties prenantes.
A l’heure où la pénurie de talents augmente et la quête de sens, véritable tendance sociétale, n’a jamais été aussi centrale chez les salariés et les jeunes diplômés, les dispositifs existants de partage de la valeur doivent être renforcés et mis en avant par les entreprises pour qu’elles s’orientent vers un modèle plus juste et équitable. Sources :Bilan des AG 2022 réalisé par l’Institut du capitalisme responsable. Le bilan peut être consulté sur le site Boursorama (consulté le 3 août 2022).