Les vents contraires pour la reprise mondiale ne s’estompent pas. Le prix du gaz en Europe est repassé au-dessus des 100 euros par MWH. Les autorités maintiennent leur stratégie Zéro-Covid alors que la vague de contamination et de restrictions continue de peser fortement sur l’activité chinoise en avril. Enfin, les taux d’intérêts continuent d’augmenter fortement aux Etats-Unis (à 2.95% pour le taux 10 ans) et en Allemagne (0,95%), poussés par des discours toujours plus durs des banquiers centraux. Dans ces conditions, la reprise mondiale sera très certainement moins forte dans les prochains trimestres et le risque de récession ne peut être écarté.
Cela dit, l’activité résiste mieux que redouté des deux côtés de l’Atlantique pour l’instant. La confiance des entreprises reste élevée en avril en France et aux USA, celle des consommateurs se stabilise en Zone Euro après avoir fortement baissée ces derniers mois, et les marchés du travail restent dynamiques. Cela soutien notre idée qu’une récession en Europe et encore plus aux Etats-Unis n’est toujours pas le scénario le plus probable, grâce à la dynamique de reprise forte et solide de l’économie mondiale avant ces chocs.
Les marchés ne s’attendent pas à une surprise pour le second tour des élections présidentielles françaises ce week-end, avec un écart de taux 10 ans entre la France et l’Allemagne revenu sous les 45pb pour la première fois depuis début avril. Ils ont probablement raison, vu que la campagne d’entre-tour (dont le débat de mercredi) n’a pas fondamentalement changé les rapports de force et que les derniers sondages indiquent une victoire de Macron avec plus de 56% des voix, contre 52,5% il y a deux semaines. On est loin des 66% réalisé en 2017 mais nettement en dehors de la marge d’erreur des sondages.
Les vents contraires pour l’économie mondiale ne s’estompent pas et pèsent toujours davantage sur les perspectives de croissance. La vague Covid et la stratégie Zéro-Covid en Chine réduisent fortement l’activité en mars-avril et devraient perturber de nouveau les chaines de production mondiale. Malgré les craintes sur la croissance mondiale, le prix du gaz est repassé au-dessus des 100 euros par MWH et celui de pétrole proche des 110 dollars par baril. La poursuite des combats en Ukraine et l’escalade continue des sanctions (par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ces derniers jours) ne permet pas d’anticiper un reflux significatif du prix des matières premières. Cela pèse sur l’inflation, comme le montre la hausse de l’inflation en mars en Zone Euro (à 7.4%) et même au Japon (1.2%). Enfin, les taux d’intérêt continuent de monter rapidement, avec des taux 10 ans s’approchant des 3% aux Etats-Unis et des taux allemands s’approchant des 1% (à un plus haut depuis l’introduction des taux négatifs et des achats d’actifs de la BCE en 2014). Cela s’explique le discours toujours plus dur des membres de la Fed et de la BCE, même de ceux qui sont habituellement prudents. Ainsi, le vice-président de la BCE, Luis de Guindos, s’est dit favorable à un arrêt du programme d’achats d’actifs dès juillets et a indiqué qu’une première hausse de taux lors de la réunion de juillet était possible. Du côté américain, Jérôme Powell a confirmé que la hausse de taux début devrait être de 50pb contre 25pb habituellement, et qu’il était favorable à un resserrement monétaire rapide dans les prochains mois. Cela conduit les marchés à anticiper des hausses de taux agressives pour 2022. Ainsi, le marché anticipe désormais trois hausses de taux de 25pb pour la BCE d’ici décembre et trois hausse de 50pb pour la Fed dans les trois prochains mois.
Tous ces éléments négatifs pour les perspectives économiques conduisent les économistes (du FMI comme du secteur privé) à revoir fortement à la baisse les perspectives de croissance pour 2022 et 2023, avec une rapidité, une ampleur et une généralité géographique que l’on n’a jamais connu en dehors des périodes de récession globale (2008-2009 et 2020). Si les prévisions de croissance restent bien au-dessus de zéro (+3.2% pour les Etats-Unis et 2.8% pour la Zone Euro), cela montre clairement que les risques de récession sont en hausse.
Cela dit, les données économiques continuent de surprendre positivement les anticipations des économistes ses dernières semaines. Cela signifie que la dégradation de la croissance est moins marquée que ce que craignent les économistes, au moins pour l’instant.
Ainsi, la confiance des consommateurs en Zone Euro rebondit légèrement en avril alors que les anticipations étaient pour une nouvelle de la baisse. Bien sûr, la confiance des consommateurs reste à un niveau très faible après son effondrement en mars, proches de ceux de la seconde moitié de 2020, ce qui pose clairement des risques baissiers pour les dépenses des ménages. Ce n’est pas une surprise vu le niveau de l’inflation et des incertitudes. Mais au moins elle ne tombe pas aux niveaux atteints durant les précédentes crises (la crise financière, la crise de dette souveraine ou du premier confinement).
Par ailleurs, la confiance des entreprises françaises résiste mieux qu’attendu en avril selon l’INSEE (baisse de 1pt à 106pt) et elle reste élevée, clairement au-dessus de sa moyenne historique. La confiance des entreprises baisse nettement dans le secteur de la vente, en raison de la forte inflation et de la fin du soutien post-réouverture. Mais elle rebondit légèrement dans l’industrie grâce à la résilience de la demande domestique et globale. Elle reste même très élevée dans les services et la construction. Evidemment, il reste à voir si les entreprises restent positives dans les prochains mois malgré la hausse de leurs coûts, le ralentissement de la demande et la persistance des problèmes de chaine de production. Aussi la France est certainement un peu moins exposée que d’autres pays de la Zone Euro comme l’Allemagne ou l’Italie aux chocs liés à la guerre en Ukraine et aux ralentissement chinois. Mais clairement les entreprises françaises (comme dans la plupart des pays développés) restent globalement en mode expansionniste en ce qui concerne l’emploi et l’investissement, ce qui est positif pour la résilience du cycle économique.
Cela soutient notre idée que la dynamique de reprise pré-Ukraine et la solidité des bilans des ménages et des entreprises permettent à l’économie de mieux résister aux chocs qu’habituellement. Au total, un ralentissement de la reprise en Europe dans la première partie de 2022 est certain, mais une récession n’est pas inévitable malgré les vents contraires actuels.
Pour les Etats-Unis, les premières données pour le mois d’avril suggèrent même que la croissance reste très solide. Les premières enquêtes auprès des entreprises réalisées par les Fed régionales suggèrent que la confiance reste forte, avec des risques légèrement haussiers pour les ISM[1] du mois d’avril. Par ailleurs, le nombre de demandes d’allocation chômage continuent de baisser début avril et les nouvelles demandes restent stables proche de plus bas historique. Cela suggère une nouvelle forte hausse de l’emploi aux Etats-Unis en avril.
Au contraire, l’activité en Chine a ralenti, plus qu’attendu en mars et devrait souffrir encore davantage en avril. La croissance du PIB a été plus forte qu’attendue au T1 (+4.8% en glissement annuel après 4.0% au T4 2021) grâce à un rebond de la production industrielle et des investissements en infrastructure en janvier-février. Mais l’activité a chuté en mars, en particulier la consommation (-3.5% en g.a. pour ventes au détail) et l’activité dans les services (-0.9% en g.a.) alors que l’activité dans l’immobilier a continué de se contracter au T1. Cela est cohérent avec l’impact de la vague de contagions dues au Covid qui, associée à la stratégie Zéro-Covid, conduit les autorités à imposer des restrictions significatives. La situation ne s’est pas améliorée en avril et les données à haute fréquence (mobilité, trafic de marchandise, ventes de voitures…) suggèrent un ralentissement supplémentaire de l’activité ce mois-ci. Face à ce ralentissement, les autorités ne changent pas de stratégie Covid et n’augmentent leur stimulus que graduellement (principalement via l’investissement en infrastructure et non via un assouplissement monétaire ou réglementaire généralisé). Cela implique que les risques baissiers sur la croissance chinoise peuvent perdurer à court terme. Davantage de stimulus des autorités est nécessaire pour stabiliser la croissance, alors que la cible officielle agressive de 5.5% de croissance pour 2022 semble loin.