Les marchés anticipent-ils trop vite la fin du resserrement des conditions financières ?

Il y a 18 mois, le marché ne croyait pas à une hausse des taux par la FED en 2022.
Il n’envisageait pas une guerre à grande échelle sur le sol européen.

Il était plus inquiet de la politique zéro covid que d’une invasion de Taïwan.
Cette semaine, les futures sur FED Funds[3] ont coté 5% pour la première fois au cours de ce cycle économique. Les forces stratégiques russes ont conduit leur première série d’exercices nucléaires depuis le déclenchement du conflit le plus grave de l’histoire européenne depuis 1945. Les Etats-Unis annoncent en réponse qu’ils sont prêts à faire usage de leur arsenal. Et à plusieurs milliers de kilomètres du théâtre d’opérations ukrainien, l’assertion de la domination de Xi Jinping sur son parti fait craindre l’ouverture d’un nouveau front. L’Etat Major américain s’attend à ce que la Chine emploie bientôt la force pour mener à bien la réunification de l’île et du continent que le premier secrétaire du parti entend accomplir “par tous les moyens disponibles.”

Au cours des dernières séances, les marchés ont fait preuve d’une étonnante résistance à cette accumulation de risques géopolitiques et économiques asymétriques. Entrevoyant un pic sur les taux d’intérêt, les investisseurs tournent à nouveau leur regard vers le crédit d’entreprise. Les souches investment grade[1] et high yield[4] enregistrent leurs premiers flux positifs depuis 8 semaines.

Malgré les résultats décevants des valeurs technologiques (Alphabet, Meta, Amazon sur sa partie cloud), elles profitent d’un retour des capitaux, le premier depuis mars. Et tandis que les actions chinoises pâtissent du remaniement du parti communiste, les marchés émergents montrent les premiers signes de regain d’intérêt des gérants globaux depuis avril.

Succédant au positionnement extrêmement pessimiste des marchés, la perception d’une tonalité moins hawkish[5] des banques centrales (FED, BCE, Bank of Canada) explique ces rebalancements de portefeuilles. Le dollar cesse de progresser (l’euro est repassé au-dessus de la parité), les actifs risqués sont entourés.

Pourtant, le problème de l’inflation n’est pas encore résolu, notamment en Europe. La hausse des prix accélère particulièrement en France : elle croît en octobre de 7,1% sur un an. C’est 0,6% de plus que prévu. Un tel écart entre les chiffres attendus et réalisés est rare dans notre pays.

Malgré le repli des prix du gaz (les échéances les plus courtes ont même affiché un prix négatif par manque de capacité de stockage!) l’inflation ne faiblit pas en Italie où les prix à la consommation progressent de près de 12%. A ce rythme, l’inflation européenne risque de s’affranchir du plafond symbolique des 10%. Un défi pour la banque centrale européenne qui constate que l’assèchement du gisement obligataire causé par ses programmes de rachats d’actifs contrecarre le resserrement des conditions financières…Même lecture Outre Atlantique où le rebond de la croissance au troisième trimestre a surpassé les attentes et le marché de l’immobilier résidentiel neuf reste vigoureux.

Du coté des entreprises, les résultats s’affaissent très modestement en Europe où les performances opérationnelles restent bonnes au troisième trimestre. Les indices d’une forte baisse des bénéfices attendue par les stratégistes en 2023 ne se matérialisent pas encore.

Nous entrons dans une phase de marché délicate. L’espoir qui anime les investisseurs repose sur le sentiment que le resserrement des conditions financière est désormais suffisant. S’il n’est pas encore véritablement perceptible dans les données macro et micro économiques, c’est prétendument en raison d’un effet naturel de décalage entre l’action monétaire et ses conséquences sur la sphère réelle.

S’il est le propre des marchés d’anticiper ces effets de décalage, pêchant parfois par excès d’optimisme, la prudence invite au contraire à attendre les premiers signes concrets d’un atterrissage de l’économie, de l’emploi et de l’inflation pour acter la fin du cycle de resserrement. Le risque n’est pas nul que le rebond des dernières séances, semblable à celui de cet été, s’inscrive au nombre des bear market[2] rallyes qui ponctuent les phases de marchés baissiers longs. Auquel cas, le risque de déception pourrait frapper d’autant plus violemment que les primes de risques (l’écart entre le rendement bénéficiaire des actions et les taux d’intérêt à 10 ans) se sont fortement comprimées, repassant déjà sous leur moyenne historique en Europe.

Texte achevé de rédiger le 28 octobre 2022 par Thomas Planell, Gérant – analyste.

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Termes et définitions
1. investment grade. L'expression "Investment Grade" (en français, "notation de qualité d'investissement") fait référence à la catégorie de qualité attribuée par les agences de notation aux obligations et aux émetteurs d'obligations.
2. bear market. Un bear market est un marché boursier caractérisé par des prix en baisse prolongée et généralisée des actifs…
3. Fed Funds ( FED Funds ) Les Fed Funds sont des prêts à court terme effectués entre les banques commerciales aux États-Unis. Les banques…
4. high yield. L’expression “high yield”, en français “haut rendement”, est couramment utilisée dans le domaine de la finance et des…
5. hawkish. Le terme "hawkish" est couramment utilisé en finance et en économie pour décrire une politique ou une posture qui est favorable à des politiques monétaires ou budgétaires plus restrictives ou plus agressives dans le but de lutter contre l'inflation ou de maintenir la stabilité financière.
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