Si la saison des résultats des entreprises a plutôt rassuré les investisseurs, ceux-ci restent logiquement prudents du fait des risques macroéconomiques et géopolitiques. La question est de savoir à quel point ces risques sont déjà intégrés dans les prix des marchés.
Alors que beaucoup d’analystes financiers craignaient que la saison des résultats ne révèle une forte pression sur les marges des entreprises, la plupart d’entre elles ont indiqué qu’elles étaient capables de passer la hausse des coûts dans les prix de vente. C’est d’ailleurs comme cela que l’inflation se propage. Cette réalité nous rappelle que les bénéfices des entreprises sont en grande partie « indexés » sur l’inflation. Ainsi, malgré la guerre en Ukraine, les bénéfices prospectifs par action du MSCI Europe ont progressé de +10% depuis le début de l’année, alors que l’indice perdait -7,5% (graphique 1).
Cette divergence entre bénéfices estimés et cours des actions est aisément explicable. Les investisseurs considèrent à juste titre que les performances des entreprises auront du mal à se prolonger eu égard aux risques qui pèsent sur la croissance future. L’accélération de l’inflation réduit en effet le pouvoir d’achat des consommateurs, et entraine une hausse des taux d’intérêt qui, avec des délais beaucoup plus longs, finira par ralentir l’économie. S’ajoute à cela le risque désormais palpable d’une rupture d’approvisionnement du gaz russe – déjà actée pour la Pologne et la Bulgarie –, source d’énergie beaucoup plus difficile à diversifier que le pétrole et le charbon. L’accélération de l’inflation depuis le début de l’année et l’escalade des sanctions justifient donc la baisse de la valorisation des marchés des actions cette année (graphique 2).
Le niveau atteint par les PER européens représente-il désormais une opportunité ? On peut d’autant plus se poser la question que les taux d’intérêt réels (c’est-à-dire après inflation anticipée) des obligations à long terme restent fortement négatifs en Europe (-2% pour les obligations allemandes à 10 ans). Il est cependant clair que les niveaux actuels des PER et des primes de risque par rapport aux obligations ne pourront protéger les marchés des actions si les probabilités de fort ralentissement économique – voire de récession – ne rebaissent pas. Aux Etats-Unis, l’évolution de ces probabilités dépendra surtout de l’intensité de la spirale inflation-salaire. En Europe, elle variera en fonction de la vitesse de l’escalade des sanctions, et de la crédibilité de la réponse européenne au défi russe. L’Europe devra montrer qu’elle s’oriente vers un « quoi qu’il en coûte » de l’énergie, plan qui s’ajoutera aux mesures de « bouclier » déjà annoncés dans plusieurs pays (France, Italie, Espagne, etc).
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PER ou “Price Earning Ratio” : rapport entre le cours boursier d’une société et son bénéfice net par action.