L’essor annoncé de l’Inde

En 2023, l’économie indienne bénéficiera de la volonté de diversifier les chaînes d’approvisionnement, les investissements dans le secteur manufacturier et les infrastructures technologiques au niveau mondial. Avec une population qui devrait dépasser celle de la Chine en 2023 et une croissance supérieure à celle de ses concurrents dans un avenir proche, les ambitions économiques du pays retiennent l’attention des investisseurs à long terme.

L’économie indienne, la cinquième au monde, devrait connaître une progression de 7% en 2022 et continuer à figurer parmi les principales économies à la croissance la plus rapide. Pour 2023, la croissance devrait ralentir à 6%, mais il est peu probable que ce modeste recul soit brutal ou durable. Le secteur des entreprises semble prêt à le surmonter grâce à une rentabilité accrue, tandis que le resserrement de la politique monétaire devrait bientôt marquer une pause. Bien que la fragilité sous-jacente du secteur bancaire constitue un risque, notre scénario de base prévoit que ce ralentissement conjoncturel sera gérable. Si tel est le cas, les marchés se concentreront sur les perspectives à long terme du pays.

La jeunesse de sa population continuera de jouer en faveur de l’Inde. Selon les prévisions des Nations Unies, la population indienne dépassera pour la première fois celle de la Chine en avril 2023. Plus significatif encore, au cours de la prochaine décennie, la croissance de la population en âge de travailler y sera plus élevée que celle de la plupart de ses homologues mondiaux (voir graphique 1, page 2). Les prévisions démographiques des Nations Unies indiquent que près de 95 millions de personnes vont venir s’ajouter à la population active de l’Inde.

Les perspectives à long terme de l’Inde seront davantage stimulées par sa position d’alternative à la Chine dans un contexte géopolitique mondial en pleine mutation. Alors que le monde occidental cherche à diversifier ses chaînes d’approvisionnement en s’affranchissant de la production et de la fabrication chinoises, et que la Chine se concentre sur sa consommation intérieure, l’Inde consolide son rôle entre les deux. La volonté de faire de l’Inde une alternative aux chaînes d’approvisionnement mondiales semble porter ses fruits. Les exportations indiennes de produits électroniques ont presque doublé depuis 2020 (voir graphique 2, page 3), des entreprises comme Apple et Samsung accélérant leurs investissements dans la production technologique du pays. Le cabinet du Premier ministre Narendra Modi espère maintenir cette tendance grâce à des « incitations liées à la production » d’une valeur totale de 32 000 milliards de roupies (39 milliards USD), destinées à des industries tels que la construction automobile, l’aviation, la chimie et l’électronique, ainsi qu’aux secteurs des dispositifs médicaux et des produits pharmaceutiques.

Il est ainsi raisonnable de penser que l’Inde atteindra une croissance annuelle comprise entre 6,0% et 6,5% au cours de la prochaine décennie, malgré les complications liées à la pandémie et à la volatilité du climat. Si le pays parvient à maintenir ce rythme de croissance, il deviendra la troisième économie mondiale d’ici 2033, devant le Japon et l’Allemagne.

Défis climatiques, crédibilité du ciblage de l’inflation

La grande inconnue est l’impact du changement climatique mondial. L’Inde est un pays essentiellement rural et son économie sous-développée est vulnérable à la volatilité du climat. En outre, la crédibilité du cadre de ciblage de l’inflation qu’elle a mis en place dépend étroitement des prix des denrées alimentaires, qui représentent près de 40% du panier des prix à la consommation calculé par la banque centrale du pays, la Banque de réserve indienne (RBI). La politique macroéconomique de l’Inde est à la merci de la mousson annuelle. À moyen terme, la construction d’infrastructures capables de résister à la volatilité climatique sera essentielle au développement de l’Inde.

À court terme, la normalisation de la demande mondiale et la stabilisation des prix des matières premières devraient aider l’Inde à ramener l’inflation des prix à la consommation sous le seuil de 6%. L’inflation globale des prix à la consommation a déjà affiché en novembre un taux de 5,9%, inférieur à l’objectif, par rapport à l’année précédente. Cela confirme la récente déclaration de la RBI selon laquelle « le pire de l’inflation est derrière nous ». Nous nous attendons à ce que la RBI mette en œuvre sa dernière hausse de taux de 25 points de base début 2023, puis fixe le taux repo à 6,5% pour le reste de l’année.

Des perspectives stables en matière de politique intérieure

Le parti nationaliste hindou au pouvoir, le Bharatiya Janata Party (BJP), reste en position de remporter les prochaines élections générales en mai 2024. Les récentes élections locales ont conforté cette perspective. En mars 2022, le BJP a minimisé ses pertes lors des élections à l’assemblée de l’État de l’Uttar Pradesh, malgré de mauvaises prévisions, puis a remporté la majorité la plus importante de son histoire dans l’État d’origine du Premier ministre, le Gujarat, dont M. Modi a été ministre en chef douze années durant. Nous ne prévoyons aucune mauvaise surprise significative concernant la coalition parlementaire de l’Alliance démocratique nationale (NDA), dirigée par le BJP, à l’occasion des élections législatives de cette année, notamment parce que l’opposition est fracturée tant au niveau national que local.

Nous pensons également improbable d’assister à des luttes intestines au sein du BJP au moment où M. Modi se prépare à briguer un nouveau mandat, même si Amit Shah, l’actuel ministre de l’Intérieur, et Yogi Adityanath, ministre en chef de l’État d’Uttar Pradesh, semblent vouloir le défier sur ce terrain. Confiant dans la marque Modi, le BJP pourrait faire pression pour procéder à une réforme de la loi sur l’acquisition des terres et du droit du travail au niveau national cette année. Toutefois, l’absence de majorité à la Chambre haute du Parlement pourrait freiner le gouvernement.

Surperformance de l’économie indienne?

Dans l’ensemble, les économies asiatiques pourraient surperformer en cette période d’affaiblissement de l’activité mondiale. En 2022, les économies de l’Asie du Sud, l’Inde en tête, ont enregistré de meilleures performances que les autres marchés émergents. La Chine ayant modifié sa stratégie de lutte contre le Covid, les économies de l’Asie du Nord sont désormais plus susceptibles de surperformer en 2023.

La forte performance de l’Inde signifie qu’elle est déjà largement présente dans les portefeuilles d’investissement. L’Inde représente 15% de l’indice MSCI Emerging Market, soit la moitié du poids de la Chine et près de trois fois celui du Brésil. Cependant, les actions indiennes se négocient autour de 30% au-dessus de leur moyenne à long terme, soit 21 fois les bénéfices prévisionnels, ce qui est nettement supérieur à l’indice MSCI Monde. Le consensus prévoit une croissance des bénéfices supérieure à 15% en 2023 et 2024. Au niveau sectoriel, l’Inde continuera à bénéficier d’un fort accent industriel sur la numérisation. Toutefois, les valorisations des actions indiennes demeurent élevées, et paraissent donc moins attrayantes.

Avec des taux directeurs à 6,25% en décembre 2022, et un nouveau relèvement attendu début 2023, les obligations gouvernementales indiennes semblent attractives comparativement aux emprunts souverains des autres marchés émergents libellés en devise locale. Des opportunités de portage et une note de crédit de qualité « BBB- » délivrée par Standard & Poor’s signifient que les obligations indiennes pourraient susciter l’intérêt croissant des investisseurs étrangers. Une inclusion de l’Inde dans les principaux indices obligataires mondiaux renforcerait encore leur attractivité. À ce stade, nous privilégions les emprunts souverains indiens de maturité courte, tandis que les obligations gouvernementales de maturité plus longue pourraient s’avérer intéressantes plus tard en 2023.

La roupie indienne s’est dépréciée par rapport au dollar, passant de 40 roupies en 2005 à 80 actuellement. Cela est dû en grande partie au taux d’inflation plus élevé de l’Inde comparativement à ses partenaires commerciaux. Dans les mois à venir, il est peu probable que la roupie bénéficie directement de la réouverture de l’économie chinoise, car la hausse des prix des matières premières maintiendra le déficit de la balance courante de l’Inde à un niveau élevé. Tout afflux de capitaux extérieurs dans les actions sera contrebalancé par la reconstitution des réserves en devises de la banque centrale. La RBI cherchera à prévenir toute flambée du taux de change USD/INR, afin de maintenir le rendement élevé de la monnaie indienne, avec une volatilité plus faible que celle des autres pays émergents. Nous estimons que la devise devrait évoluer dans une fourchette comprise entre 80 et 84 roupies contre le dollar au cours des douze prochains mois.

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