Deuxième semaine de corrélation positive entre les bourses et les marchés obligataires des deux côtés de l’Atlantique. Les marchés actions montent (avec une forte surperformance de l’Europe), alors que les taux sur les emprunts d’Etat baissent (enchérissant les prix de cet actif). Comme nous le savons, en grande partie, ceci provient de données plus favorables qu’attendue concernant l’inflation. Celle-ci baisse grâce notamment au recul des prix de l’énergie et des prix des biens. Ces derniers bénéficient d’un soulagement des goulets d’étranglement qui pesaient sur la production et pâtissent d’une demande moins dynamique. Aussi, les investisseurs semblent rassurés par la résilience de la croissance, justifiant la prise de risque. Le pari d’une reprise de la Chine est un autre stimulant. Tout en adhérant à un certain optimisme, nous restons un peu dubitatifs quant à la feuille de route que semble tracer le marché. Nous pesons que la désinflation serait plus lente, d’autant plus si la croissance venait à être bien plus résiliente. Surtout, les banques centrales risquent de garder des politiques restrictives plus longtemps qu’anticipé. D’où le maintien de notre prudence modérée. La saison des résultats des entreprises pour le 4T22 qui s’ouvre, devrait nous dévoiler un peu plus sur leur santé financière et surtout leur stratégie pour 2023.
La stratégie que poursuivront les banques centrales restera une des clés des 2023. Nous continuons de penser qu’elles devront garder une politique relativement restrictive au moins cette année puis ne relâcher leur pression sur la demande que peu à peu. Ceci s’appuie sur notre vue d’une inflation qui recule plus lentement que ce que beaucoup anticipent vers l’objectif de 2%. Pour réussir à contenir la demande, le canal de transmission de la politique monétaire est la restriction des conditions financières. Il se trouve que les mouvements de marché aux Etats-Unis se traduisent aujourd’hui par un assouplissement des conditions financières. Ce n’est pas ce que voulait voir la Fed. En Zone Euro, les conditions financières, même si elles s’assouplissent quelque peu, elles restent en zone relativement restrictive. Les questions sur le pas à suivre pour les hausses et le niveau auquel doivent s’arrêter les taux directeurs reste un des grands débats des marchés.
Le Japon s’est illustré au cours de la dernière année avec une stratégie monétaire à l’opposé des autres grands pays, en maintenant une politique très accommodante. H. Kuroda, le gouverneur de la Banque centrale (BoJ), a notamment adopté une cible pour les taux à long terme (s’appuyant sur le taux à 10 ans) qui ne devait pas être dépassée. Celle-ci était de 0,25%. Lors de la dernière réunion de politique monétaire la BoJ a décidé, à la surprise générale, de changer cet objectif, en le portant à 0,5%. Soit, un très léger durcissement des conditions monétaires. Pour la réunion de cette semaine, les opérateurs de marché sont sur le qui-vive. Une nouvelle surprise qui irait vers le durcissement est attendue. Nous sommes moins certains. Néanmoins, le consensus reste pour un vrai changement plus notable en avril, au moment du départ du gouverneur actuel.
La solidité de la consommation américaine, qui a eu tendance à rebondir depuis cet été est une des explications de la résilience de l’activité outre Atlantique. Elle s’appuie en grande partie sur un marché du travail qui reste robuste, avec un taux de chômage à un plus bas historique (3,5%). La baisse de l’inflation, notamment du prix de l’énergie, a aussi redonné un peu de pouvoir d’achat aux ménages américains pendant les 6 derniers mois. La poursuite de la remontée de la confiance des consommateurs en janvier, selon les résultats préliminaires de l’enquête de l’U. du Michigan vient corroborer cette résistance. Est-ce durable ? Le marché du travail est une variable retardée du cycle économique. Peut-on ralentir la croissance sans affecter l’emploi ? C’est l’autre grande question pour la dynamique économique de cette année. Cette semaine, on aura une vue sur la persistance ou pas de la consommation avec les ventes au détail pour décembre, attendues en baisse.
Pour ralentir l’économie les banques centrales tentent en général de durcir les conditions financières. On se rappelle la teneur des débats tels que rapportée par les minutes de la réunion de la politique monétaire de décembre de la Fed. Les membres du comité s’inquiétaient de voir les conditions financières s’assouplir alors que le discours de la Fed se voulait rigoureux. La raison de cet assouplissement était claire, le marché ne croyait pas au discours des banquiers centraux.
Ceci n’a pas changé. L’idée que les taux directeurs de la Fed peuvent s’approcher voire dépasser 5%, tel que communiqué par les principaux membres de la Fed n’est pas aujourd’hui l’hypothèse du marché. Surtout, le marché pense qu’en fin d’année des baisses conséquentes auront lieu. Les hypothèses de marché se sont renforcées avec les derniers chiffres d’inflation et avec certains commentaires des membres du comité de politique monétaire qui appellent à plus de modération dans les hausses de taux.
Au total, les conditions financières se sont assouplies, passant en dessous du niveau moyen qui a prévalu lors des 20 dernières années. La situation en Zone-Euro est quelque peu différente, avec des conditions financières qui se sont assouplies récemment mais qui restent restrictives.