Nous évoquions le mois dernier la posture prudente de la BCE dans sa communication sur sa lutte contre l’inflation, comparativement à la Fed, qui avait conduit les anticipations d’inflation à 10 ans à un plus haut historique de 3,00%. Devant l’accélération des inflations publiées en Europe, la BCE a corrigé le tir significativement en durcissant le ton. Une première hausse des taux dès juillet est maintenant certaine et au moins deux hausses d’ici la fin de l’année sont projetées. Le résultat, à l’image de la courbe américaine, ne s’est pas fait attendre. Si les taux nominaux n’ont pas significativement réagi (10 ans allemand toujours légèrement supérieur à 1,00%), les anticipations d’inflation à 10 ans ont nettement reflué revenant à 2,25%.
Ce changement de discours était important pour éviter une dérive haussière des taux d’intérêt. En effet, toutes choses égales par ailleurs, le point haut de l’inflation constatée ne devrait survenir en Europe qu’à la fin du Q3, voire du Q4. Il était donc essentiel que la BCE regagne en crédibilité pour ne pas apparaître trop « derrière la courbe », au risque de heurter un peu plus la croissance économique, ce qui aurait été de toute façon le cas avec un dérapage trop fort des taux d’intérêt. Cependant, nous pensons que les taux longs allemands devraient encore se tendre un peu, tant que le pic d’inflation n’est pas atteint, autour de 1,50% avant de stabiliser, voire de refluer quand les préoccupations sur la croissance chasseront celles sur l’inflation.
Côté américain, après avoir clairement affiché son combat contre l’inflation et ainsi contenu les anticipations dans les courbes, la Fed (au travers des minutes publiées récemment) entrouvre une porte. La préservation de la croissance revient dans ses préoccupations, rassurant les marchés sur un éventuel excès de resserrement monétaire, et provoquant un reflux des taux 10 ans jusqu’à 2,80%, nouvelle cible du taux terminal de la Fed. Il faut mentionner qu’à l’avantage de la Fed, les taux américains semblent être sur le pic d’inflation constatée et devraient graduellement décliner dans les mois qui viennent, desserrant d’autant la contrainte qui pèse sur la Banque Centrale. Les taux longs américains devraient, dans cet intervalle, se stabiliser autour de 3,00%.
Côté spreads de crédit (différentiel de rendement d’une obligation d’entreprise privée avec celui d’une obligation souveraine), si les niveaux restent très volatiles, les niveaux de marges atteints d’un point de vue portage nous paraissent toujours intéressants aussi bien sur l’« Investment Grade[1] » que sur le « High Yield[2] ».