L’analyse qui suit a été rédigée vendredi 6 octobre, avant les événements dramatiques qui se sont produits en Israël ce weekend. Nous adressons toutes nos pensées aux familles et amis ayant des attaches dans cette région.
Les investisseurs sont aux prises avec des raisonnements circulaires : ils sont moins pessimistes sur l’économie, ce qui fait remonter les taux d’intérêt réels…, ce qui finit par les rendre nerveux au sujet de la croissance future. Quels sont les scénarios de sortie de ce paradoxe ?
Les investisseurs intégraient au premier semestre un scénario de baisse des taux d’intérêt qui aurait dû débuter au T4 2023 et s’accélérer en 2024 sous le coup d’une hypothétique récession. Ce scénario ne tenant plus devant la résilience des économies occidentales – dont surtout les Etats-Unis – les investisseurs ont été conduits à changer leur fusil d’épaule. Leur nouveau scénario est celui du maintien de taux d’intérêt plus élevés plus longtemps, en ligne avec le discours martelé sans relâche par les banques centrales. La hausse des taux à long terme est la conséquence logique de cette évolution. Sur le fond, elle n’a pas de raison d’inquiéter outre-mesure les marchés des actions puisqu’elle reflète une vue moins pessimiste de l’économie. Mais la rapidité de la hausse des taux longs crée un malaise qui pèse sur l’ensemble des prix des actifs risqués, dont les actions (graphique 1).
Pour mettre fin au malaise, il faut donc que les taux à long terme se stabilisent. Le scénario le plus constructif serait celui d’une stabilisation des taux à long terme induite à la fois par une valorisation désormais plus attractive et par le maintien d’un scénario macroéconomique relativement bénin. Aux Etats-Unis, les taux réels à long terme dépassent nettement les 2%, revenant ainsi à leur niveau d’avant la grande crise de 2008 (graphique 2), ce qui parait confortable. De plus, les derniers chiffres d’inflation ont été clairement favorables, le prix du pétrole a rebaissé, et l’économie américaine ne semble à ce stade ni trop forte ni trop faible. Si cet environnement perdure, le réajustement récent des taux à long terme semble suffisant, et les perspectives économiques ne semblent pas menacées.
Il existe cependant d’autres scénarios moins agréables de sortie de la spirale haussière des taux à long terme. Celui, d’abord, que le changement d’environnement des taux d’intérêt réels conduise, comme au T4 2018, à une capitulation des marchés d’actifs risqués, capitulation qui finirait par provoquer une hausse des prix des obligations refuges, et donc une baisse des taux longs. On peut aussi craindre des évènements financiers liés à la chute de valorisation des portefeuilles obligataires et/ou immobiliers dans certaines institutions financières, comme on a pu le connaitre au printemps avec les banques régionales américaines. Ce type d’évènement pourrait aussi attirer les investisseurs vers les obligations refuge et modifier le discours de banques centrales. Enfin, le contexte rend les investisseurs plus sensibles au moindre chiffre qui pourrait suggérer que, après plusieurs mois de très bonnes nouvelles sur ce front, l’inflation soit en train de s’installer, ce qui relancerait la probabilité perçue d’une récession à venir orchestrée par la Fed (l’inflation américaine du mois de septembre sera publiée le 12 octobre).
Dans nos fonds internationaux diversifiés, nous avons un peu diminué notre exposition aux actions au profit de positions (en future) sur les obligations américaines à cinq et dix ans, sur les obligations allemandes à 2 ans. Les anticipations de taux d’intérêt ont été selon nous déjà bien réajustées par les marchés, et les obligations souveraines pourraient finir par jouer un rôle de valeur refuge si la baisse des marchés des actions se poursuivait.
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