- Marchés: Difficile de trouver une direction pour les marchés dans un contexte d’aussi grande incertitude géopolitique. En effet, après l’apaisement suscité par l’annonce russe du retrait des quelques soldats postés en Biélorussie, la nervosité est revenue sur les marchés avec les déclarations américaines niant le retrait et soulignant au contraire plutôt l’addition de nouvelles troupes à la frontière de l’Ukraine. Ainsi, plutôt qu’une tendance à la désescalade comme dans les jours précédents, nous assistons de nouveau à une escalade des tensions. Néanmoins, la situation reste très volatile et l’organisation d’une nouvelle discussion entre les chefs de la diplomatie américaine et russe devraient amener un peu de calme.
- Cette situation l’emporte sur toutes les autres considérations sur les marchés. Ainsi, l’appétit pour le risque est balloté entre apaisement et nervosité. Pour l’instant, il reste difficile de considérer le scénario d’une invasion ruse de l’Ukraine tant les coûts pour l’économie russe seraient importants à moyen terme. De même pour l’Europe, sa dépendance vis-à-vis des importations énergétiques en provenance de la Russie met la région dans la nécessité d’obtenir un accord d’apaisement. Malgré l’intérêt de tous à un dénouement de ce conflit, on ne peut que constater que pour l’instant que le président Putin veut maintenir la pression et que les américains veulent montrer que rien ne sera toléré sur une éventuelle invasion du territoire Ukrainien. Les jours ou semaines qui viennent devraient apporter une réponse, mais en entretemps, il est évident que la volatilité sur les marchés restera forte.
- Ce conflit, fait passer, à tort, en arrière-plan l’évolution macroéconomique. Pourtant, en faisant l’hypothèse, peut être forte aujourd’hui, d’un dénouement du conflit, c’est bien le changement de régime monétaire, la dynamique de l’inflation et la décélération de la croissance qui vont être déterminants pour le comportement des marchés.
- Alors que des deux côtés de l’Atlantique la croissance a été fragilisée en début d’année par la poussée des contagions, on peut s’attendre à un rebond dans les mois qui viennent. Aux Etats-Unis, ce rebond semble avoir déjà commencé, avec, notamment, un rebond de la consommation en janvier après le plongeon de fin d’année. Ce rebond devrait aussi avoir lieu en Europe, notamment dans les activités de services touchées pendant l’hiver.
- Toutefois, la décélération de l’activité devrait se poursuivre en cours d’année, sous l’effet du tarissement du soutien budgétaire et de politiques monétaire qui deviennent moins accommodantes. Ce mouvement, on le sait, pourrait être plus sévère dans le cas où l’inflation reste plus élevée qu’anticipée.
Le conflit avec la Russie concernant une éventuelle intervention en Ukraine reste et restera un facteur très important dans la dynamique des marchés à court terme. Pour les opérateurs de marché, il est difficile, en général, de naviguer dans un tel contexte d’incertitudes et ceci se traduit évidemment par la recherche de protection contre les scénarios les plus négatifs.
La position du président Putin est difficile à cerner, outre sa volonté de préserver la sécurité de son pays. En effet, avec la réponse américaine, notamment avec la menace de lourdes sanction économiques qui pourraient être imposées à la Russie, il est maintenant évident que le coût à moyen terme pour la l’économie russe serait considérable. A court terme, le niveau de réserves de change permettraient au pays de résister quelque temps aux contraintes de financement en devises, mais assez vite cette situation deviendrait intenable.
Evidemment, pour la Russie, sa capacité à maintenir la pression vient de la dépendance de l’Europe à ses exportations de ressources énergétiques. Par ailleurs, imposer des contraintes sur les exportation énergétiques ruses, par exemple, provoquerait des tensions très importantes, bien malvenues, pour l’économie mondiale. N’oublions pas que la Russie est le 3ème plus grand producteur de pétrole au monde.
Il est certain que l’Europe ne peut que constater les erreurs stratégiques qu’elle a fait dans sa gestion de sa transition énergétique, dont une grande partie de la responsabilité incombe à l’Allemagne.
Aujourd’hui, la dépendance aux énergies fossiles russes est telle que l’Europe a très peu d’alternatives pour pallier à tout manque d’approvisionnement en provenance de l’est.
Pour l’Europe, la stratégie de substitution des énergies fossiles reste un plan de moyen terme, donc à très court terme, les européens sont évidemment fragilisés et doivent absolument trouver un accord avec la Russie.
Ainsi, que ce soit la Russie, comme l’Europe, pour éviter un coût considérable pour leurs économies et leur population d’un éventuel conflit, tout pousse à croire à un dénouement favorable de cette crise. Mais, l’Histoire nous montre, que les pures considérations économiques peuvent s’avérer avoir peu de poids devant la volonté des dirigeants d’une nation à assoir leur autorité ou contraindre ses volontés de domination.
Quoi qu’il en soit, cette crise devrait amener l’Europe, et c’est déjà le cas, à revoir sa stratégie de transition énergétique de manière accélérée en incluant dans l’équation son indépendance stratégique.
Dans cet épisode de tensions géopolitiques aigues il est intéressant de voir quel a été le comportement des investisseurs dans la recherche de valeurs refuge. En ce sens, il semblerait que les vieux réflexes ont encore plus de poids que ceux cherchant à inventer un monde nouveau. En effet, les investisseurs semblent s’être tournés plus vers l’or plutôt que vers les crypto monnaies. Ces dernières étaient publicités jusqu’ici comme étant l’or des temps futurs.
En tous les cas, dans cet épisode, la capacité des crypto monnaies à protéger a suscité peu d’intérêt de la part des investisseurs. En fait, leur sensibilité à la liquidité, et leur caractère très spéculatif, semble aujourd’hui dominer la dynamique de prix. Le tarissement du soutien monétaire qui se profile semble bien peser beaucoup plus que tout autre considération.
Des deux côtés de l’Atlantique, l’hypothèse que la décélération très forte de l’activité en fin d’année dernière et au début de celle-ci était en partie liée à la hausse extraordinaire de contagions liées au variant Omicron a été en grande partie confirmée aux Etats-Unis, avec notamment le fort rebond de la consommation au mois de janvier. Evidemment, l’inflation reste toujours aussi un facteur d’inquiétude sur la dynamique de la consommation dans les mois et trimestres à venir, mais pour l’instant on devrait voir la croissance rebondir.
Le rebond des ventes au détail au cours du mois de janvier a été assez spectaculaire, même si passé un peu inaperçu dans ce contexte de tensions géopolitiques. Ce mouvement doit être mis en perspective avec la très forte chute en décembre, avec une baisse de de 3,2%, hors voitures et essence. La hausse de janvier compense en garde partie cette baisse, à 3,8%.
En fait, cette hausse devrait ramener la consommation à un rythme d’expansion sur le 1er trimestre de l’année qui devrait s’avérer proche, si ce n’est supérieur, à celui constaté au 4T21. C’est évidemment une bonne nouvelle que de voir le moteur de la croissance américaine rester solide. Tant que le marché de l’emploi reste porteur, ce qui reste le cas, on se doit d’attendre une dynamique de l’inflation qui restera porteuse.
Néanmoins, la dynamique de l’inflation restera aussi un des dangers qui pourrait venir nuire à celle-ci, à moins de voir des accélérations de salaires bien plus importantes que celles constatées jusqu’ici. Pour l’instant, ce n’est pas notre hypothèse, même si le risque existe vu combien le marché du travail américain est tendu.
En même temps, même si la consommation tient, on doit aussi prendre en compte que plusieurs facteurs sont venus perturber d’autres secteurs qui pour l’instant restaient porteurs, notamment celui de la construction. La pénurie de main d’œuvre et le mauvais temps ont fait chuter les mises en chantier en janvier, alors que les blocages par les routiers canadiens à la frontière américaine sont venus aussi perturber la production. Néanmoins, ces facteurs devraient s’estomper et permettre de retrouver un certain dynamisme de l’activité.
Nous gardons, néanmoins, une croissance faible pour le 1er trimestre, autour de 3% en rythme trimestriel annualisé, à cause de la correction qui devrait s’opérer sur le comportement de stockage dont la contribution à la croissance a été massive au 4T21.