Moins de risques mais pas (encore) d’embellie

L’économie mondiale ralentit seulement graduellement depuis l’été. Néanmoins, les risques d’un scénario très noir ont baissé depuis un mois grâce à la baisse des prix de l’énergie (surtout en Europe), à l’évolution favorable de la politique Zéro Covid en Chine, au début de la baisse de l’inflation aux États-Unis et à l’annonce du ralentissement du rythme du resserrement monétaire des banques centrales américaines.

Toutefois les perspectives pour les prochains mois restent dégradées, avec la disparition de l’effet positif de la réouverture, des prix énergétiques durablement élevés, des niveaux d’inflation loin de converger vers les cibles, et l’impact retardé du resserrement des conditions financières de 2022. Nous conservons un scénario central plutôt négatif, intégrant une légère récession de l’activité en Europe dès la fin 2022 et aux États-Unis probablement au cours de 2023. Cela dit, le soutien budgétaire massif en Europe et la solidité des fondamentaux aux États-Unis limite le risque d’une récession abrupte selon nous.

Les marchés ont rebondi fortement depuis deux mois, effaçant une partie de leur baisse cette année. Cela reflète la baisse des risques extrêmes, mais aussi le retour de l’espoir que les banques centrales assouplissent rapidement leur politique face au risque de récession. Cela nous semble prématuré et nous restons prudents. Nous préférons toujours les segments défensifs dans notre poche actions (entreprises de qualité vs de croissance) et les crédits les moins risqués.

Les vues de la Gestion à trois mois : moins de risques mais des perspectives toujours peu porteuses.

Nos convictions sur l’environnement économique global à un horizon de trois mois.

Les risques d’un scénario très noir ont baissé au cours du mois de novembre, mais la toile de fond macroéconomique des prochains mois reste dégradée et incertaine. Nous prévoyons toujours de légères récessions en Zone Euro et aux États-Unis pour 2023, et un ralentissement incomplet des pressions inflationnistes. Les banques centrales devraient commencer à ralentir le rythme de hausse des taux d’intérêt, sans toutefois commencer leur réduction.

  • Trois risques qui auraient pu entrainer une récession mondiale marquée dans les prochains mois ont diminué depuis quelques semaines. En Chine, face à la dégradation économique et à la montée des pressions sociales, les autorités commencent à assouplir leur politique Zéro-Covid et à prendre des mesures pour stabiliser le marché immobilier. Aussi, la rencontre entre les présidents Xi et Biden a démontré que malgré des tensions très fortes entre les deux puissances, il n’y avait pas d’appétit pour une confrontation brutale. Cela laisse espérer une reprise graduelle de l’économie chinoise au cours de 2023 et éloigne le risque d’un choc en provenance de la Chine. En Europe, le risque de pénurie de gaz a continué de refluer grâce au niveau élevé des stocks et à la baisse de la demande. En parallèle, les prix de l’énergie ont baissé à un plus bas depuis le début de la guerre en Ukraine et les États annoncent toujours plus de mesures budgétaires pour protéger les ménages et les entreprises. Même si une récession cet hiver semble difficilement évitable, elle devrait rester limitée. Enfin, l’inflation commence à ralentir, en particulier aux États-Unis. La baisse des prix de l’énergie et des biens, qui bénéficient du ralentissement de la demande et de la normalisation des conditions dans les chaines de production, permet d’espérer un ralentissement assez net de l’inflation totale dans les prochains mois. Mais, nous pensons toujours que l’inflation sous-jacente[1] va rester bien au dessus de la cible des 2% l’année prochaine car la progression des prix des services devrait s’atténuer que graduellement, en réponse à une modération de la hausse des salaires. Mais si l’inflation, actuellement supérieure à 7% dans les pays développés, ralentit de moitié d’ici fin 2023, cela limitera la baisse du pouvoir d’achat des ménages et permettra aux banques centrales d’être moins agressives dans leur resserrement monétaire.
  • Toutefois, le scénario central quant aux perspectives économiques reste compliqué pour les prochains mois. La reprise chinoise devrait être graduelle et limitée. En effet, l’assouplissement des contraintes sanitaires ne peut qu’être graduel vu le taux de vaccination faible des populations fragiles, alors que l’immobilier souffre d’excès structurels. Par ailleurs, les prix de l’énergie restent bien au-dessus de leur niveau d’il y a deux ans et la situation du gaz en Europe pour l’hiver prochain devrait rester compliquée, en l’absence d’approvisionnement russe. Les soutiens budgétaires sont désormais coûteux eux aussi, avec des dettes publiques en Europe qui restent 15pt de PIB audessus de leur niveau pré-Covid et des taux d’intérêts clairement positifs. Enfin, les banques centrales devraient continuer de remonter leurs taux dans les prochains mois face aux tensions persistantes sur les marchés de l’emploi. A ceci s’ajoutera le resserrement important des conditions financières depuis un an qui devrait avoir un impact retardé sur la croissance en 2023. Par exemple, les banques indiquent qu’elles durcissent fortement leurs conditions de crédit aux entreprises et aux ménages fin 2022, ce qui va peser sur la consommation et l’investissement l’année prochaine.
  • L’activité résiste encore mieux qu’attendu mais elle ralentit à l’approche de l’hiver, en particulier en Europe et en Chine. Dans le même temps, l’inflation commence à baisser tout en restant à des niveaux très élevés. Nous continuons de penser que le scénario le plus probable est celui d’une légère récession à la fin 2022 / début 2023 des deux côtés de l’Atlantique. La récession aux États-Unis pourrait être plus tardive si le marché de l’emploi et la consommation continuent de se montrer résilients mais dans ce cas la Fed pourrait forcer une récession plus importante.
    – En Zone Euro, la croissance est restée positive au T3 dans l’ensemble des principaux pays. Les indicateurs de confiance des entreprises et des ménages ont baissé depuis l’été et sont clairement en zone de contraction de l’activité. Mais les indicateurs sur les anticipations se sont légèrement améliorés en novembre, suggérant que le rythme de contraction de l’activité ne se détériore plus. En termes de pays, l’Allemagne et l’Italie sont les plus impactés alors que l’Espagne et la France sont moins exposés. Côté inflation, l’indice total a baissé nettement après sa forte hausse d’octobre, passant de 10,6% en octobre à 10% en novembre. Cela dit, la baisse vient des prix énergétiques fortement régulés. En effet, l’inflation sous-jacente est restée stable à son plus haut historique de 5%. L’inflation sous-jacente devrait rester clairement sous les 4% jusqu’à mi-2023, notamment avec des salaires qui continuent d’accélérer, ce qui maintiendra la pression sur la BCE.
    – Aux États-Unis, le PIB a retrouvé la croissance au T3 (+2,9% en rythme annualisé), après deux trimestres de baisse, et les chiffres d’octobre indiquent une poursuite de la croissance de la consommation et de l’investissement des entreprises au T4. Si les indicateurs de confiance baissent graduellement, les créations d’emplois restent dynamiques et le marché de l’emploi très tendu, avec encore un niveau élevé de 1,7 postes vacants par chômeur. En revanche, le secteur de l’immobilier se dégrade fortement après la forte hausse des taux hypothécaires. Nous continuons d’anticiper une légère récession américaine durant 2023, mais cette récession pourrait n’intervenir qu’à partir de mi-2023. Du côté des prix, le pic de l’inflation semble être passé. Aussi, l’inflation totale comme sous-jacente a baissé assez nettement en octobre. Cela dit, l’inflation reste bien trop élevée (à 7,7%) et les pressions inflationnistes durables sur les services et les salaires n’ont pas commencé à refluer. Les salaires croissent toujours à plus de 5% en novembre. Nous prévoyons que l’inflation américaine va continuer de baisser nettement dans les prochains mois grâce aux prix des biens, mais pas suffisamment pour revenir rapidement vers les 2%.
  • La BCE et la Fed devraient remonter leurs taux de 50pb en décembre après plusieurs hausses de 75pb. Ce ralentissement est normal compte tenu du niveau déjà normalisé des taux (3,8% aux États-Unis et 1,5% en Zone Euro) et de la rapidité historique des hausses de taux des derniers mois. Cela dit, les banques centrales indiquent qu’elles vont encore monter leurs taux dans les prochains mois, et surtout qu’elles vont les maintenir élevés pendant un certain temps. C’est pour cela que nous ne pensons pas que les banques centrales baisseront leur taux avant 2024 au plus tôt, du moins si les récessions restent limitées.

Nos convictions financières à un horizon de trois mois

  • Les marchés d’actifs risqués comme défensifs ont nettement rebondi depuis deux mois. Si cela peut s’expliquer par la baisse des risques extrêmes (énergie, inflation, chine…) et des éléments techniques après leurs fortes baisses depuis le début de l’année, nous ne pensons pas que ce rebond soit justifié par une amélioration notable des perspectives économiques et monétaires pour les prochains trimestres. Sous révision à la hausse des bénéfices futurs où à la baisse des taux directeurs futurs, le rebond rend les actifs plus chers par rapport à leur fondamentaux. Dès lors, les valorisations des actifs nous apparaissent trop peu attractives dans un contexte macroéconomique difficile. Par conséquent, nous continuons de privilégier la prudence dans notre allocation d’actifs, tout en revenant peu à peu sur les actifs les moins risqués.
  • Notre positionnement reste légèrement négatif sur les actions. Nous pensons que, malgré le fort rallye[2] observé sur le dernier mois, le cycle économique et monétaire reste baissier. Dans ce contexte défavorable, nous gardons un biais défensif en recherchant des valorisations raisonnables et surtout des entreprises capables de maintenir leurs marges. En termes géographiques, nous favorisons l’Europe face aux États-Unis en raison de sa plus forte exposition à une Chine qui redémarre doucement et du ratio Cours / Bénéfice des actions européennes qui apparaît plus intéressant. Nous conservons également une exposition sur les actifs chinois, car ces derniers restent encore excessivement dévalorisés dans un contexte de réouverture et d’assouplissement.
  • Après la forte baisse des taux longs ces dernières semaines, nous repassons sous-pondérés sur les obligations d’État en privilégiant les maturités courtes des pays les plus solides. Les marchés anticipent des hausses de taux des banques centrales raisonnables pour les prochaines semaines. Mais des baisses de taux directeurs dès mi-2023 sont aussi anticipées, ce qui nous semble excessivement optimiste. Si le rythme de hausse des taux directeurs devrait ralentir à partir de maintenant, les banques centrales n’en ont pas encore fini avec les hausses de taux. Surtout, nous pensons qu’elles vont maintenir leur taux à un niveau élevé pendant plusieurs trimestres malgré de légères récessions, car il faudra du temps pour que les prix des services et les salaires ralentissent. C’est la condition pour être confiant que l’inflation est revenue durablement sous contrôle. Nous pensons que la volatilité devrait rester élevée et restons particulièrement prudents sur les dettes périphériques de la Zone Euro.
  • Nous revenons à neutre sur les obligations d’entreprises (Crédit) en Europe tout en conservant une approche très conservatrice et sélective dans notre gestion. Les crédits le plus risqués devraient souffrir de la réduction de la liquidité et de la baisse d’activité. Mais les entreprises solides devraient résister à une légère récession et offrir des rendements obligatairesrelativement intéressants pour la première fois depuis des années.
  • En termes de scénarios, nous pensons que la probabilité de notre scénario central de légère récession est élevée, même si le timing est incertain. La probabilité du scénario positif, elle, augmente légèrement (20%) avec la baisse des risques extrêmes et le pic d’inflation passé.
Termes et définitions
1. Inflation sous jacente ( inflation sous-jacente ) L’inflation sous-jacente, également connue sous le nom d’inflation core ou d’inflation de base, est une mesure de l’inflation…
2. Rallye boursier ( rallye ) Un rallye boursier est un mouvement haussier soutenu et durable des cours des actions sur un marché boursier,…
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L’Espresso des marchés du 13 décembre 2022
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