Pas de répit pour les banques centrales

Europe | Les actualités économiques et financières
  • Politique : le risque d’escalade du conflit qui avait augmenté en fin de semaine dernière diminue légèrement. Les négociations entre Ukrainien et Russie reprennent cette semaine après que les deux parties aient commencé à assouplir leurs positions, même si ces dernières restent très éloignées et si les combats sur le terrain restent intenses. Ainsi, les Ukrainiens demandent que l’armée russe se retire dans les territoires déjà occupés avant le début de l’invasion, et non plus de toute l’Ukraine. Du côté russe, l’état-major a annoncé que la première phase de l’invasion était terminée et que l’armée allait se focaliser sur l’est de l’Ukraine, suggérant une réduction des objectifs russes. Sur le plan international, Joe Biden a fait marche arrière après avoir été critiqué par ses alliées pour avoir dit que Vladimir Poutine « ne pouvait pas rester au pouvoir », ce qui suggérait une menace directe pour le Président russe. Enfin, les pays de l’Union européenne n’ont pas adopté de sanctions visant directement les importations de produits énergétiques russes.
  • Économie : les premières enquêtes disponibles pour le mois de mars ont été rassurantes dans le sens où elles indiquent une résistance de l’activité aux premiers effets de la crise aux Etats-Unis et en Europe. Néanmoins, la confiance des ménages s’effondre des deux côtés de l’atlantique et les anticipations d’activité des entreprises pour les prochains mois chutent en Europe. Cela est cohérent avec la forte hausse des prix de l’énergie et des incertitudes qui touchent plus l’Europe que les Etats-Unis. Il n’est pas inhabituel que les indicateurs de confiance chutent lors des chocs géopolitiques ou de prix matières premières et ce n’est pas toujours le signe d’une récession imminente, du moins si la confiance se reprend avant d’avoir un impact trop négatif sur les actions des agents économiques (sur la propension à épargner des ménages, sur l’embauche et l’investissement des entreprises). Au total, nous anticipons toujours un ralentissement de la reprise, mais pas de récession, même si les risques de cette dernière ont augmenté.
  • Inflation et banques centrales : les enquêtes de mars montrent par ailleurs que les tensions sur les prix augmentent encore davantage et que les problèmes de chaîne de production s’accentuent de nouveau (aussi en raison des confinements en Chine). Cette semaine, la publication des chiffres d’inflation pour mars en Zone Euro et février aux USA, devrait montrer que l’inflation totale, mais également l’inflation hors prix de l’énergie continue d’accélérer à des plus hauts depuis des décennies. Avec des niveaux d’inflation déjà bien au-dessus des cibles et qui devraient le rester dans les prochains trimestres, les banques centrales sont contraintes de commencer à normaliser leur politique monétaire malgré les incertitudes sur les perspectives économiques.
  • Marchés : les actions ont continué de reprendre la semaine dernière (+1.4% pour le MSCI World) et sont revenues à leur niveau d’avant le début de l’invasion russe (même si elles restent en baisse de 5% depuis le début de l’année). Cela soutient notre vue que les actions peuvent résister mieux que les autres actifs (obligations, crédits) à une hausse de l’inflation et à un resserrement de politique monétaire tant qu’une récession est évitée. En revanche, les taux d’intérêt continuent de progresser des deux côtés de l’Atlantique sur toutes les maturités. Ainsi, les taux dix ans américains atteignent un plus haut depuis début 2019, au-dessus des 2.5%, et les taux dix ans français atteignent un plus haut depuis début 2017, au-dessus de 1%. Par ailleurs, le taux 2 ans américains passe ce matin au-dessus du taux 10 ans pour la première fois depuis mi-2019. Cela peut renforcer les craintes de récession, car la pente de la courbe des taux américains est historiquement un très bon indicateur avancé de récession, même si nous pensons qu’il est prématuré de penser qu’une récession est imminente aux Etats-Unis.
  • Avec des révisions haussières pour l’inflation qui est déjà au-dessus des cibles des banques centrale, une économie réelle encore résiliente, la volonté des banques centrales de resserrer rapidement leurs politiques monétaires devrait rester intacte dans les prochains mois. Les chiffres publiés cette semaine (inflation et taux de chômage aux Etats-Unis et en zone euro, emploi et ISM manufacturier américains) devraient continuer de pousser les taux à la hausse, surtout vu les émissions de dette élevées prévus par le Trésor américain. Cela dit les flux de rebalancement de portefeuilles à la fin du mois/trimestre après la grosse sous-performance de l’obligataire pourrait limiter la hausse des taux longs à court terme et maintenir une pression baissière sur la courbe des taux américaine.

Pour l’instant, l’activité aux Etats-Unis et Europe semble résister aux premiers effets de la crise à en croire les dernières enquêtes préliminaires de PMI pour le mois de mars. En effet, les PMI restent à des niveaux élevés des deux côtés de l’Atlantique, reflétant la persistance d’une activité économique, toujours robuste. Les indicateurs coïncidant d’activité des enquêtes nationales en Allemagne (IFO), en France (INSEE) et en Italie (ISTAT) confirment que la situation des entreprises en mars ne s’est dégradée que légèrement après leur forte amélioration depuis le début de l’année, en particulier dans les services grâce à la réouverture des économies. Par ailleurs, les entreprises restent en mode expansionniste au vu de la résilience des sous-indicateurs concernant l’emploi et la demande d’investissement.

Toutefois, les indicateurs de confiance pour les prochains mois chutent pour les entreprises en Europe et pour les consommateurs dans l’ensemble des pays développés, ce qui indique qu’un ralentissement de l’activité dans les prochains mois est probable et qu’il pourrait être plus abrupt que ce que l’on anticipe actuellement. Cela est cohérent avec la forte hausse des prix de l’énergie et des incertitudes qui touchent plus l’Europe que les Etats-Unis.

Il n’est pas inhabituel que les indicateurs de confiance chutent lors des chocs géopolitiques ou de prix matières premières et ce n’est pas toujours le signe d’une récession imminente. Toutefois, si la confiance reste à ces niveaux pendant plusieurs mois, cela impacterait les actions des agents économiques en poussant les ménages à épargner plus et les entreprises à réduire les embauches et l’investissement. Dans ce cas, la baisse de la confiance deviendrait auto-réalisatrice et augmenterait les risques de ralentissement économique marqué. Il en serait de même si les conditions financières venaient à se dégrader fortement. Mais cela n’est pas ce qu’on observe pour l’instant. C’est pourquoi nous anticipons l’état un ralentissement significatif de la reprise dans les prochains trimestres, mais pas de récession, même si les risques de cette dernière ont augmenté.

Cette semaine, les données publiées devraient renforcer les craintes inflationnistes et montrer que l’économie américaine reste dynamique, poussant les banques centrales à maintenir leur discours dur malgré les incertitudes sur les perspectives économiques.

En effet, les chiffres d’inflation de mars en Zone Euro pourrait augmenter plus qu’attendu (le consensus prévoit 6,7% après 5.9% en février.) et la mesure d’inflation ciblée par la Fed (le déflateur des prix à la consommation hors énergie et alimentation) pourrait atteindre un plus haut depuis le début des années 1990 à 5.5%. Par ailleurs, le taux de chômage en Zone Euro pourrait baisser encore en février après avoir atteint un plus bas depuis la création de la Zone Euro en janvier (6.8%). Pour les Etats-Unis, les rapports emplois pour le mois de mars devraient montrer de fortes créations d’emplois (autour de 500 000) et une baisse du taux de chômage proche de son niveau pré-Covid (à 3.7%). Un tel mix, avec des pressions inflationnistes historiques et des marchés de l’emploi déjà tendus, devraient pousser les banques centrales à maintenir un discours dur malgré les craintes sur les perspectives de croissance.

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