L’agitation du secteur financier qui a commencé par l’effondrement de la Silicon Valley Bank aux États-Unis et qui s’est ensuite propagée à l’Europe a entraîné un revirement du sentiment du marché au fur et à mesure de l’évolution de la situation. La panique initiale a fini par céder la place à des inquiétudes liées au resserrement des conditions de crédit, ce qui a accru le risque de récession et de désinflation. Cette issue pourrait inciter les principales banques centrales à ralentir le resserrement de leur politique monétaire. Probablement pas de sitôt, cependant. Les données récentes suggèrent que l’inflation et les tensions sur les marchés du travail constituent encore davantage un défi pour les autorités monétaires que les risques de récession.
Les investisseurs font désormais face à deux scénarios potentiels : Soit les récents remous financiers s’aggravent pour devenir une crise financière mondiale, soit ils se dissipent à mesure que les conditions se stabilisent.
La confiance pourrait-elle s’effondrer ?
Si les difficultés s’aggravent, les perspectives pourraient être un effondrement de la confiance des marchés financiers fragilisant l’économie mondiale. Cela pourrait déclencher une déflation et contraindre les banques centrales à revenir sur leurs politiques de resserrement. Une telle issue conduirait probablement le dollar américain à s’apprécier considérablement, tandis que les rendements obligataires et les cours des actions chuteraient.
Toutefois, la probabilité de ce scénario semble plus faible qu’il y a quelques semaines. Les données récentes montrent qu’après un plongeon de 196 milliards de dollars des dépôts la semaine du 15 mars, les dépôts des petites banques américaines ont augmenté de 6 milliards de dollars la semaine suivante.
En outre, les emprunts des banques auprès de la Réserve fédérale américaine, par le biais du guichet d’escompte ou du nouveau Bank Term Funding Program, ont chuté de 11 milliards de dollars sur la même période. Cela suggère que le pic de stress des banques régionales est passé, tout comme la résilience de l’indice boursier S&P500 (hors banques) après le choc initial (cf. graphique 1).
Pour gérer les premières difficultés, les autorités monétaires aux États-Unis et en Europe ont signalé une séparation de leurs décisions en matière de politique de taux d’intérêt pour lutter contre l’inflation de leurs fonctions de superviseurs macroprudentiels afin d’éviter la contagion financière. La lutte contre l’inflation a été facilitée par le resserrement des conditions financières sur les marchés du crédit, les coûts de financement ayant augmenté pour refléter une plus grande incertitude. Nous ne découvrirons que plus tard dans quelle mesure ce resserrement freinera l’économie. Mais dans un contexte de plus en plus désinflationniste, cela renforcerait les risques de récession.
Si les turbulences s’évanouissent…
En cas de dissipation des tensions dans le secteur financier, les marchés devraient revenir à la situation antérieure à l’effondrement de la SVB où l’inflation obstinément élevée a poussé les banques centrales à relever leurs taux à des niveaux limitant la croissance. Les données récentes montrent en effet que l’inflation est persistante et reste donc l’une des principales préoccupations des autorités.
Aux États-Unis, l’indicateur d’inflation favori de la Fed, le déflateur des dépenses de consommation des ménages (PCE) , a progressé de 5,0 % en glissement annuel en février après avoir atteint un pic à 7,0 % en juin dernier. Il est important de noter que l’inflation sous-jacente des services hors loyers a augmenté de 4,9 % en glissement annuel.
La tendance à la baisse de l’inflation PCE totale est une bonne nouvelle car elle met moins de pression sur la Fed pour qu’elle relève ses taux de manière agressive. Toutefois, les problèmes fondamentaux demeurent : l’inflation sous-jacente reste élevée et les conditions sur le marché du travail américain restent tendues. Ces deux facteurs limitent la marge de manœuvre de la Fed.
De même, l’inflation sous-jacente en Europe a ralenti de 1,6 point de pourcentage à 6,9 % en glissement annuel en mars à partir de février en raison d’une forte baisse des prix de l’énergie, mais le taux sous-jacent a augmenté de 10 pb à 5,7 % en glissement annuel. L’inflation sous-jacente a été plus rigide en Europe qu’aux États-Unis, obligeant la BCE à adopter un ton plus agressif que la Fed. Les dernières données montrent que la récente baisse des prix de l’énergie ne modifie pas la tendance haussière de l’inflation sous-jacente des biens et des services.
L’inflation mondiale sera dopée par la décision du 4 avril du groupe des pays producteurs de pétrole OPEC+ de réduire la production de pétrole de 1,6 million de barils par jour, même si la décision semble défensive dans la mesure où elle est probablement destinée à faire face à une demande plus faible.
L’inflation frappe également le Japon, l’indice des prix à la consommation hors alimentation et énergie à Tokyo ayant progressé en mars plus que prévu à 3,4 % en glissement annuel. Le taux d’inflation est supérieur à l’objectif de 2,0 % de la Banque du Japon (BoJ), ce qui renforce les anticipations du marché à l’égard d’une normalisation rapide de la politique monétaire accommodante de la BoJ.
Si les pressions inflationnistes sous-jacentes ne s’atténuent pas, une baisse du taux d’inflation globale n’entraînera pas nécessairement un changement de politique des banques centrales à court terme, même si le rythme et l’ampleur du resserrement devraient ralentir.
Chine – Un contrepoids
La perspective d’une stagflation plane comme un nuage sombre sur les marchés développés. Aux États-Unis, les créations de poste ont reculé de 6,0 % en glissement annuel en février, et les données de janvier ont été révisées à la baisse, mais pas encore suffisamment pour signaler un changement de tendance décisif. Toutefois, l’indice ISM manufacturier est tombé à 46,3 en mars, poursuivant sa tendance baissière sur cinq mois.
On peut soutenir que la désinflation et la reprise économique en Chine compensent en partie l’impact négatif des marchés développés sur la croissance mondiale. La réouverture après la pandémie de l’économie chinoise devrait avoir une incidence positive sur la croissance mondiale, en particulier sur la croissance asiatique, grâce au commerce international et au soutien apporté aux matières premières.
Selon nous, les craintes selon lesquelles la reprise de la Chine augmenteraient l’inflation mondiale et exerceraient une pression accrue sur les banques centrales pour durcir leur politique monétaire, sont injustifiées. Pour que la Chine exporte l’inflation, son taux d’inflation doit être supérieur à celui du reste du monde. Ce n’est clairement pas le cas : les taux de l’IPC global et sous-jacent de la Chine sont nettement inférieurs à ceux de l’Europe et des États-Unis.
Enfin, le compte de capital relativement fermé de la Chine et ses banques bien capitalisées l’ont protégée contre l’impact négatif des turbulences du secteur financier. Cela se reflète dans la surperformance de l’indice des valeurs financières chinoises par rapport à son homologue américain depuis le 8 mars, date à laquelle l’effondrement de la SVB a provoqué l’agitation (cf. graphique 2).
Disclaimer
Veuillez noter que les articles peuvent contenir des termes techniques. Pour cette raison, ils peuvent ne pas convenir aux lecteurs qui n’ont pas d’expérience professionnelle en matière d’investissement. Les opinions exprimées ici sont celles de l’auteur à la date de la publication, sont fondées sur les informations disponibles et sont susceptibles de changer sans préavis. Les équipes de gestion de portefeuille peuvent avoir des opinions différentes et prendre des décisions d’investissement différentes pour différents clients. Le présent document ne constitue pas un conseil en investissement. La valeur des investissements et les revenus qu’ils génèrent peuvent évoluer à la baisse comme à la hausse, et les investisseurs sont susceptibles de ne pas récupérer leur investissement initial. Les performances passées ne préjugent pas des performances futures. Les investissements sur les marchés émergents ou dans des secteurs spécialisés ou restreints sont susceptibles d’afficher une volatilité supérieure à la moyenne en raison d’un haut degré de concentration, d’incertitudes accrues résultant de la moindre quantité d’informations disponibles, de la moindre liquidité ou d’une plus grande sensibilité aux changements des conditions de marché (conditions sociales, politiques et économiques). Pour cette raison, les services de transactions de portefeuille, de liquidation et de conservation pour le compte de fonds investis sur les marchés émergents peuvent être plus risqués.