Les marchés sont, depuis le début de l’année, dans un engrenage infernal. Les indices actions et obligataires reculent ainsi pour la plupart de -15 % à -20 % et pratiquement aucune classe d’actifs cotée n’a obtenu de performance positive cette année. La principale logique sous-jacente de 2022 est la suivante : les taux d’intérêt étaient beaucoup trop bas par rapport à l’inflation qui est au plus haut depuis plus de 40 ans. Après avoir mal jugé le caractère transitoire de l’inflation, les Banques Centrales durcissent donc leurs politiques monétaires, à un rythme soutenu et les taux d’intérêt obligataires remontent rapidement. De ce fait, les valorisations des actifs à « duration longue » se sont dégonflées, dont évidemment les actions, principalement les valeurs de croissance aux PER(1) plus élevés. Dans ces conditions, les perspectives économiques se détériorent, dans un contexte géopolitique global assez anxiogène.
Ceci fait que la stagflation[1], tant redoutée, semble aujourd’hui bien là !
Ce constat étant posé, quelles sont les perspectives pour la seconde partie de l’année ? Il y a encore des facteurs préoccupants, mais aussi des motifs d’espoir :
- Les Banques Centrales semblent l’assumer : le prix à payer pour combattre l’inflation, c’est peut-être une récession brutale (« hard landing »). Pour le moment, la croissance mondiale 2022 se situerait autour de 3,0 % contre une estimation de 4,5 % en début d’année. La zone Euro semble la plus à risques avec sa grande dépendance à l’énergie russe, et notamment dans la perspective de voir les approvisionnements de gaz en provenance de ce pays coupés assez rapidement. Cela pèserait fortement sur le secteur industriel, et particulièrement allemand. La croissance de la zone est attendue à près de 2,8 % cette année et 2,0 % l’année prochaine, mais avec des risques sérieux de révisions à la baisse. Les États-Unis ne sont pas dépendants de l’énergie russe mais commencent à subir le ralentissement du secteur immobilier, alors que la consommation des ménages sera affectée par la hausse des prix de l’essence et une baisse notable de l’effet richesse. La croissance américaine est attendue à près de 2,8 % cette année et près de 2,0 % en 2023. Seule la Chine se situe dans un cycle différent. Le pays a été affecté par la vague réglementaire de 2021, qui a notamment fortement pesé sur le secteur très important de l’immobilier, et par les mesures de restrictions sanitaires décidées pour respecter la politique de « zéro Covid ». Mais, aujourd’hui, la vague de l’épidémie semble passée et le pays redémarre rapidement. De plus, des mesures de soutien monétaire et budgétaire sont mises en place, ce qui est à contrecourant des politiques menées en Europe et aux États-Unis. La croissance aura donc peut-être du mal à atteindre l’objectif de 5,5 % cette année mais le pays devrait s’en rapprocher l’année prochaine.
- Le deuxième facteur de risque, selon nous, est le contexte géopolitique et les risques sociaux.
Nous n’avons pas d’avis particulier sur le conflit en Ukraine dont l’issue est très incertaine. Le scénario positif, qui n’est pas dans les marchés, serait celui d’une fin assez rapide. Mais ce scénario n’apparaît pas le plus probable actuellement et un enlisement assez long semble se profiler.
La persistence de tensions internationales et la recrudescence possible de tensions sociales pourraient marquer les prochains mois. À l’image de la situation actuellement troublée dans plusieurs pays d’Amérique latine, les populations supportent très mal la hausse des prix alimentaires et énergétiques et revendiquent des mesures de soutien, dans la violence quelquefois. Les gouvernements risquent de « distribuer du pouvoir d’achat », alors que les finances publiques sont déjà mal en point dans la plupart des pays. Et politiquement, la situation est également tendue. Aux ÉtatsUnis, le pays semble fracturé en interne sur différents sujet sociétaux et la popularité de Joe Biden est bien faible alors que se prof ilent les élections de « mid-term » à l’automne prochain. Le pays risque donc d’être englué dans des débats internes et Joe Biden aura du mal à faire passer des réformes et des plans d’investissement alors que la dette fédérale atteint des sommets.
En zone Euro, nous sentons un manque de direction et de vision actuellement. Dans les trois grands pays, Allemagne, France et Italie, la gouvernance politique est assez faible alors que les situations budgétaires des différents pays ont divergé ces dernières années. Cette problématique pourrait redevenir d’actualité et créer une nouvelle phase de volatilité sur le marché des dettes souveraines. La BCE a essayé de rassurer les marchés, avec un certain succès jusqu’à présent, en promettant un dispositif « anti-fragmentation », sans donner davantage de précisions pour le moment. Les marchés risquent de tester la BCE sur ce sujet. Tôt ou tard, cette question de l’harmonie des règles budgétaires de la zone devra être traitée, la BCE ne pouvant éternellement se substituer en sauveur.
Les tensions sino-américaines : depuis quelques années, l’antagonisme entre les deux plus grandes puissances est réel. À moyen terme, cela signifie une moindre intégration et interconnexion de ces deux économies qui veulent, l’une et l’autre, réduire leur dépendance à leur supposé « rival » : une moindre dépendance aux usines chinoises dans les chaînes de production du point de vue américain, et une moindre dépendance aux exportations vers les pays occidentaux du point de vue chinois, avec un recentrage de l’économie vers la consommation domestique. Des mouvements de relocalisation pourraient ainsi s’amorcer, d’autant plus que la multiplication des échanges intercontinentaux est négative pour l’empreinte carbone. À court terme cependant, nous ne voyons pas de remontée des tensions entre les États-Unis et la Chine. Le dialogue a été renoué récemment et les deux pays ont des préoccupations de court terme. Faire baisser l’inflation outre-Atlantique, si bien que les taxes à l’importation des produits chinois pourraient être réduites. Côté chinois, la croissance qui ne peut se passer des exportations vers les États-Unis à court terme – alors que le Président Xi Jinping souhaite se présenter à un nouveau mandat, ce qui est inédit dans l’histoire récente, et souhaitera présenter le meilleur bilan économique possible. C’est dans ce contexte que nous pensons que les velléités chinoises envers Taïwan devraient se calmer à court terme.