Synthèse stratégie Groupe Richelieu par Alexandre HEZEZ

Nous pensons bien évidemment en premier lieu aux populations touchées par cette guerre et les implications humaines dévastatrices. Il s’avère dorénavant très délicat d’établir des scénarios qui auraient la faveur des probabilités tant les réactions de Vladimir Poutine restent au-delà des rationalités occidentales.

En dehors des prévisions concernant la situation géopolitique, la seule conviction à ce stade que nous ayons est que les pays occidentaux mettront tout en œuvre pour ne pas provoquer d’accident financier majeur dans le monde qui légitimerait l’action du président russe dans sa déstabilisation du monde occidental.

L’impact de ces différentes mesures reste flou. Cela étant, nous nous attendons à ce que les banques centrales, les régulateurs et les gouvernements agissent. Cela rappelle, d’une certaine manière, la crise pandémique récente. Les réactions devraient être équivalentes même si une différence notoire est à souligner. Rappelons-nous que les prix spots du pétrole avaient dégringolé (pour atteindre un prix négatif !). Nous pensons que les autorités ont tiré de nombreuses leçons des crises récentes et ont appris à agir rapidement et efficacement. Ils l’ont prouvé lors des premières turbulences financières de mars 2020 suite à l’avènement du Covid-19. Dans l’ensemble, ils ont également assez bien géré les retombées économiques initiales de la pandémie. Ils ont montré qu’ils disposaient des outils ou qu’ils pouvaient les développer rapidement pour contenir les risques financiers potentiels. Déjà à l’époque, les chefs d’Etats parlaient de guerre pour évoquer la pandémie. Nous y sommes réellement…

Si nécessaire, des injections ciblées de liquidités seront effectuées dans des segments de marché tendus, de même qu’un assouplissement temporaire des règles ou une aide directe aux entreprises les plus touchées. Un enjeu clé pour les autorités sera de donner des directives précises à leurs propres institutions financières. Depuis quelques jours, la notion de « riposte graduelle » des dirigeants occidentaux est désormais bien plus crédible et alors que ces derniers soient prêts à prendre des mesures massives, y compris potentiellement dommageables pour leur propre économie. Dans l’ensemble, la situation renforcera les préoccupations macroéconomiques, notamment en ce qui concerne les matières premières, et potentiellement la trajectoire de la Fed en matière de normalisation de la politique monétaire en fonction de l’évolution de la situation.

Le facteur inflation restait une préoccupation de la plupart des banquiers centraux, ces derniers ont durci le ton fin 2021 mais la guerre engendrée est de nature à modifier la perception des institutions monétaires et l’agressivité de ces dernières pour lutter contre la hausse des prix est mise à mal. L’épargne devrait « regonfler » en même temps que la confiance des ménages décroit. En Europe en premier lieu, même si l’économie actuelle est forte, les répercussions vont progressivement se ressentir. L’Europe, eu égard à sa proximité géographique et à sa dépendance énergétique, est particulièrement vulnérable.

«Un ministre français a dit aujourd’hui qu’ils nous avaient déclaré la guerre économique. Faites attention à votre discours, messieurs ! Et n’oubliez pas que les guerres économiques dans l’histoire de l’humanité se sont souvent transformées en guerres réelles » Dmitry Medvedev @MedvedevRussiaE

La réaction des politiques sera également à surveiller. Une flambée des prix de l’énergie pourrait encore être amortie par la politique budgétaire. L’annonce faite par l’Allemagne de porter son budget de la défense à plus de 2 % du PIB a constitué un geste significatif. Elle suggère que même les gouvernements fiscalement conservateurs pourraient être ouverts à une nouvelle série de mesures de relance budgétaire pour faire face aux conséquences de la guerre.

Les regards se tournent désormais vers les négociations qui se tiendront entre Moscou et Kiev à la frontière biélorusse alors que ceci constitue l’un des rares espoirs de désescalade à court terme. Pour l’heure, l’espoir d’aboutir à une solution rapide semble faible. A moyen terme, une porte de sortie pourrait aussi se dessiner si un grand pays jouait le rôle de médiateur mais à ce stade Pékin n’envoie pas ce type de signal. La durée des perturbations sur la confiance est donc encore très incertaine, mais de son ampleur dépendra aussi les impacts économiques.

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