Toujours plus d’incertitudes, mais pas de catastrophe en l’état

Les chocs négatifs s’accumulent et se prolongent, de la guerre en Ukraine, en passant par les confinements en Chine et le durcissement des conditions financières, alors que l’inflation reste très élevée, mais semble avoir atteint son pic aux Etats-Unis, de telle sorte que les craintes des marchés se focalisent un peu moins sur elle et un peu plus sur le risque de récession.

Pourtant, l’économie mondiale résiste mieux qu’attendu à ces chocs, avec des indicateurs d’activité encore à des niveaux élevés ainsi que des marchés de l’emploi très solides. Cela soutient notre scénario d’une reprise qui va ralentir mais qui ne sombrera pas en récession même si les risques sont orientés à la baisse. Le corollaire de cette vue est que l’inflation risque de ralentir plus lentement qu’attendu, et rester au-dessus des cibles des banques centrales dans les prochains trimestres, les forçant ainsi poursuivre leur resserrement monétaire rapide.

Dans un tel contexte, la prudence doit rester de mise dans les choix d’investissement. Cependant, après les corrections survenues depuis le début de l’année, les marchés intègrent déjà beaucoup de mauvaises nouvelles et semblent correctement valorisés si une récession est évitée. Nous privilégions donc une allocation très diversifiée dans laquelle les obligations d’Etat offrent de nouveau une protection contre le risque actions et où le crédit retrouve un léger potentiel de hausse.

Les vues de la Gestion à trois mois : une croissance qui tient malgré des vents contraires

Nos convictions sur l’environnement économique global à un horizon de trois mois

  • Les craintes liées directement à la guerre en Ukraine s’atténuent un peu, le conflit restant conventionnel et localisé à l’Est de l’Ukraine. Mais l’impact via l’évolution des cours des matières premières continue de peser sur les perspectives de court terme alors que les risques de fragmentation de l’économie mondiale pèsent sur les perspectives à plus long terme. Les prix des matières premières, énergétiques comme alimentaires, sont remontés en mai et retrouvent des niveaux proches de leurs points hauts de début mars, au début de l’invasion de l’Ukraine. En particulier, le prix de pétrole est remonté au-dessus des 120 dollars par baril en raison des nouvelles sanctions européennes, incluant un embargo partiel sur le pétrole russe et des contraintes sur les tankers le transportant. Le cartel des pays producteurs de pétrole a accepté d’augmenter légèrement son quota de production pour l’été, mais cette hausse est contrainte par les difficultés d’exportation de la Russie (qui fait partie de l’OPEP+[2]) et le manque de capacité de production supplémentaire dans la plupart des pays (hors Moyen-Orient). En l’absence de changement de stratégie de l’Arabie Saoudite ou de fort ralentissement économique, les prix du pétrole risquent de rester très élevés et de continuer à peser sur le pouvoir d’achat des ménages. Ainsi, la hausse des prix énergétiques pour les ménages de la Zone Euro est de 40% sur un an, soit plus élevée que durant les chocs pétroliers des années 1970, malgré les mesures fiscales. Pour les mois qui viennent, notre scénario central reste basé sur l’absence de risque systémique (comme une extension du conflit ou un arrêt des livraisons de gaz russe à l’Europe) et sur des prix des matières premières qui resteraient élevés, mais légèrement moins qu’actuellement.
  • En Chine, la politique de « tolérance zéro » reste toujours en place, menant à un assouplissement uniquement graduel et local des mesures de confinements et à une conjoncture économique très faible à court terme. Nous continuons d’anticiper un net rebond économique dans les prochains mois/trimestres grâce au soutien des autorités, même si les risques liés à l’épidémie resteront présents. Les restrictions de mobilité en Chine sont assouplies graduellement grâce à l’amélioration de la situation sanitaire. Cela permet une amélioration de l’économie en mai qui reste toutefois limitée. Ainsi, les indicateurs PMI[3] chinois s’améliorent en mai depuis des niveaux extrêmement faibles en avril et restent en zone de contraction de l’activité (sous les 50pt), dans les secteurs industriels comme des services. Après l’effondrement de l’activité en avril (baisse de plus de 10% des ventes au détail et de plus de 40% des ventes de voitures ou d’immobilier), la croissance au T2 devrait être extrêmement faible. Sous l’hypothèse d’une poursuite d’un relâchement des contraintes dans les semaines qui viennent, nous pensons que l’activité rebondira nettement grâce à l’accumulation des mesures de stimulation de l’économie annoncées en mai. Si cette relance de l’économie ne devait pas permettre aux autorités d’atteindre leur objectif de croissance du PIB de 5,5% pour 2022, elle devrait toutefois soutenir l’économie mondiale dans la seconde partie de l’année. Aussi, la réouverture chinoise permettra de limiter les blocages des chaînes de production dans le reste du monde.
  • Malgré des chocs négatifs qui se prolongent, la croissance résiste dans le monde développé, ce qui reste cohérent avec notre scénario de poursuite de la reprise à un rythme décroissant en 2022.

    > Aux Etats-Unis, la consommation des ménages a de nouveau surpris à la hausse en avril (+0.7% sur le mois), ce qui devrait garantir une croissance solide au T2. Certes les ménages souffrent de l’inflation et de la hausse des taux hypothécaires mais ils bénéficient toujours de l’épargne accumulée durant la crise du Covid, ce qui explique la baisse du taux d’épargne à seulement 4.4% soit un plus bas depuis la crise financière, et d’un marché de l’emploi toujours solide. En effet, l’emploi continue d’augmenter fortement en mai (+390 mille après +436 mille en avril). Les indicateurs de confiance des entreprises baissent légèrement ces derniers mois tout en restant à des niveaux élevés, en ligne avec notre scénario de ralentissement graduel de la reprise.> En Zone Euro, les indicateurs d’activité sont restés assez stables en mai à des niveaux positifs et les indicateurs de confiance s’améliorent légèrement depuis des niveaux faibles. L’activité ralentit dans les secteurs industriels, probablement impactés par les développements en Europe de l’Est et en Chine, mais la réouverture des services continue de tirer l’activité. Aussi, le marché du travail continue de s’améliorer avec un taux de chômage atteignant un nouveau plus bas historique en avril (à 6,8%) et des salaires qui commencent à accélérer au T1 (+2.8% sur un an après +1.6% au T4). Malgré les chocs négatifs, l’économie de la Zone Euro semble résister. Cela nous pousse à maintenir des perspectives de croissance positives même si nous les révisons encore légèrement à la baisse (de 3.0% à 2.8% pour la croissance de 2022).
  • Le pic de l’inflation pourrait être proche, mais l’inflation devrait rester au-dessus des cibles des banques centrales au moins jusqu’en 2023.L’inflation a commencé à décélérer légèrement en avril au Etats-Unis tout en restant extrêmement élevée, à 8.3%. Au contraire, l’inflation pour la Zone Euro a continué d’accélérer en atteignant 8.1% en mai. Nous avons bon espoir que l’inflation soit proche de son pic pour l’année, étant donné que les effets de bases seront moins défavorables dans les prochains mois si le prix des matières premières et les problèmes de chaîne de production n’augmentent pas davantage, en particulier aux Etats-Unis. Mais les pressions inflationnistes restent fortes et généralisées, comme le montrent les niveaux d’inflation hors énergie et alimentation bien au-dessus de la cible de 2% (à 6,2% aux Etats-Unis et 3,8% en Zone Euro). Le ralentissement de l’inflation devrait donc être très progressif des deux côtés de l’Atlantique et se matérialiser uniquement à partir de la fin de l’année pour la Zone Euro. Surtout, les niveaux d’inflation pourraient rester bien au-dessus des cibles des banques centrales au moins jusqu’en 2023. Notons également que les salaires restent très élevés aux Etats-Unis et ont commencé à accélérer en Zone Euro, ce qui peut laisser craindre à une inflation encore plus persistante.
  • La politique de normalisation accélère des deux côtés de l’Atlantique, avec la BCE rattrapant le Fed dans ces discours, et devrait rester agressive dans les prochains mois. La Fed devrait continuer son resserrement monétaire à marche forcée malgré les perspectives de ralentissement de la croissance et de l’inflation, encouragée par les chiffres d’inflation largement au-dessus de la cible (2%) et des coûts salariaux connaissant la plus forte progression depuis 20 ans en glissement annuel. Deux à trois hausses de 50pb du taux Fed-Funds sont à attendre lors des prochaines réunions, avant un probable ralentissement des hausses de taux à partir du T4 afin que les taux atteignent un peu plus de 2.5% d’ici la fin de l’année. Par ailleurs, la Fed commence à réduire son bilan à partir de juin. De son côté, la BCE a confirmé qu’elle souhaitait sortir assez rapidement des outils non-conventionnels « dans les prochains mois ». Elle devrait annoncer la fin du « Quantitative Easing[1] » (QE) en juin et sortir des taux négatifs d’ici la fin du T3 avec deux hausses de taux en juillet et septembre (les premières hausses depuis 2011).
Termes et définitions
1. Quantitative Easing ( Quantitative Easing ) Quantitative easing est une politique monétaire dans laquelle une banque centrale achète des actifs financiers tels que des…
2. OPEP+ ( OPEP+ ) OPEP+ est une coalition entre les pays membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) et d’autres…
3. PMI ( PMI ) L'indice PMI (Purchasing Managers' Index) est un indicateur mensuel qui mesure la performance des secteurs de l'industrie manufacturière et des services.
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