Ukraine : Comment croire au repos du septième jour ?

Ukraine-Russie | Les actualités économiques et financières

La guerre russe de l’Ukraine ne s’arrête pas. Sera-t-elle courte ou longue et y aura-t-il un vainqueur ? On ne sait pas. Le message de l’histoire est que l’Europe va sans doute rentrer dans une logique de nouvelle guerre froide, caractérisée par moins d’échanges économiques avec son voisin oriental et plus de dépenses militaires. L’unité de l’Occident devrait être renforcé (mais quid du retour éventuel à l’horizon de quelques petites années à une politique « trumpiènne » aux Etats-Unis ?).

Économiquement, et avec une perspective plus rapprochée, il y aura moins de croissance et plus d’inflation. Le double mouvement sera beaucoup plus marqué en Russie qu’en Europe et plus net en Europe qu’aux Etats-Unis. Avec in fine et de chaque côté de l’Atlantique un rythme plus prudent de normalisation monétaire.

L’invasion de l’Ukraine par la Russie entre dans son septième jour. Peut-on percevoir dans ce constat une référence biblique ? N’est-ce pas Saint-Augustin qui nous explique que Dieu, après avoir créé le ciel, la terre et toute la création, dont l’homme, a chômé le septième jour ? pour s’assurer que « tout cela était bon » ? Peut-on espérer que Vladimir Poutine, contemplant le désastre dont il est responsable, comprenne que « tout cela est mauvais » et arrête son aventure guerrière ? 

Hélas, nous ne recevons pas de message pouvant indiquer qu’une telle tournure serait prise et nous en sommes réduits à s’interroger sur ce qui va se passer. Tentons donc d’apporter quelques éclairages.

Commençons par nous poser une question. Le Président russe, peut-il gagner, ou, pour être plus précis, qu’est-ce que l’histoire nous enseigne en la matière ? La liste des agressions menée par l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS) est longue. Elle a conduit les Etats-Unis et leurs alliés à renforcer leurs efforts d’endiguement. Cela commence en 1948, avec la volonté de Moscou d’entraver le continuum terrestre entre la partie de Berlin contrôlée par les Occidentaux et les zones d’occupation américaine, britannique et française, positionnées plus au Sud et plus à l’Ouest de l’Allemagne. C’est dans le sillage de cette première crise que la décision de créer l’Organisation du Traité de l’Atlantique-Nord (OTAN) est prise. Des crises, il y en aura d’autres (Hongrie, Berlin à nouveau et Tchécoslovaquie) jusqu’à l’invasion de l’Afghanistan en 1979 (les troupes soviétiques ne se retireront qu’au bout de 9 ans ; sans que la situation à l’intérieur du pays ne soit stabilisée) et les menaces vis-à-vis de la Pologne en 1980 et 1981. En novembre 1989, le mur de Berlin tombe et en décembre 1991, l’URSS se disloque ; la plus grande catastrophe géopolitique du 20e siècle selon Vladimir Poutine ; la référence est bien connue. Positionner l’attaque de l’Ukraine en cours sur cette trajectoire invite à conclure que l’Occident fera bloc et que la Russie ne pourra que sortir affaiblie de l’exercice guerrier qu’elle a engagé.

La Russie n’est cependant pas l’URSS, au-delà des discours sur les nostalgies qui pousseraient le « Maître du Kremlin » à tenter de reconstruire celle-ci en tout ou partie. Comment ne pas voir que Moscou a enregistré de « jolis » succès diplomatiques et militaires en Syrie et en Afrique au cours des dernières années ? Peut-il en aller de même aujourd’hui avec l’Ukraine ? On ne sait évidemment pas ; mais la référence ne doit pas être oubliée.

Voilà pour les messages de l’histoire ; au moins ceux qu’on a repérés. Un fil conducteur les unit et sans doute doit-on le tirer une fois encore aujourd’hui ; à savoir, une politique de fermeté des pays occidentaux, et des organisations qui les unissent, vis-à-vis de la Russie. Il faut en déduire deux choses qui décrivent un environnement ressemblant à la « guerre froide » : un découplage économique (progressif si possible, sachant que les Américains sont moins concernés que les Européens) et une augmentation des budgets militaires des pays de l’Union Européenne.

Sur le premier point et juste pour avoir les ordres de grandeur en tête : les exportations vers la Russie en points de PIB pèsent 0,5 point pour la Zone Euro et 0,1 point pour les Etats-Unis ; les importations en provenance de la Russie, respectivement 1,0 point et 0,1 point, avec les achats de produits énergétiques comme facteur explicatif de la différence de part et d’autre de l’Atlantique. Cette « dépendance » explique pourquoi dans le lot de sanctions prises contre Moscou, une volonté de maintenir les échanges gaziers et pétroliers s’est manifestée.

Alors, quel balisage devant ? L’alternative est sans doute entre :

  1. Un déroulé du type Budapest 1956 ou Prague 1968 (ou alors, hors de l’univers soviétique, la guerre des 6 jours en 1967 entre Israël et nombre des pays voisins arabes), avec une conclusion plutôt rapide de l’intervention armée en faveur de la Russie ; un calme en forme de chape de plomb en politiques intérieure et extérieure et un retour à une normalité « écornée » en matière économique ;
  2. Un scénario du genre invasion de l’Afghanistan par l’Armée Rouge (1979), avec un changement de régime par la force qui aboutit à une logique de pays occupé avec une résistance armée (à moins qu’il ne faille parler de guerre civile) durant plusieurs années.

Sait-on choisir entre ces deux « histoires » ? Au moment où on parle, hélas non. On se trouve face à une incertitude, qui va peser sur la dynamique économique. Nous allons y venir. Mais avant cela restons encore un instant sur nos références soviétiques et intéressons-nous aux implications sur les marchés, en « zoomant » sur la bourse américaine. En fait, dans un premier temps, la tendance est baissière et peu importe qu’on se trouve dans l’une ou l’autre de nos hypothèses. Et dans un deuxième temps, le monde paraît regarder ailleurs et le marché de se mettre à réagir aux (autres) pulsions du monde.

La réaction de l'indice S1P 500 de la bourse américaine au moment d'une sélection d'évènements géopolitiques du temps de l'URSS

Venons-en donc à l’économie. L’Occident n’intervient pas militairement dans la guerre déclenchée par la Russie en Ukraine, au moins pas directement. En revanche, une série de sanctions économiques ont été prises. Elles sont très similaires à l’intérieur du G7 (Union Européenne comprise, sans oublier l’Australie et la Suisse). Elles mêlent :

  • Interdiction d’exporter des produits/services indispensables à un certain nombre de secteurs-clé de l’économie russe (composants électroniques, logiciels, équipements pour les industries aéronautiques, spatiale et raffinage pétrolier),
  • Gel des réserves de la banque centrale russe placées dans les pays du G7 « élargi »
  • Exclusion d’un certain nombre de banques russes du système de messagerie et de transaction financières SWIFT (en s’arrangeant pour que le secteur énergétique passe entre les « mailles du filet »),
  • Interdiction d’accès aux marchés de capitaux occidentaux,
  • Blocage des services de cartes bancaires proposés par Mastercard et Visa aux institutions financières russes,
  • Fermeture des espaces aériens,
  • Suspension du projet de gazoduc Nord Stream 2,
  • Gel des actifs détenus dans les pays du G7 « élargi » par une série de personnalités russes de premier plan (dont le Président Poutine).

Les implications devraient être redoutables en matière économique : baisse de la croissance et accélération des prix. Les marchés paraissent s’y préparer et l’histoire nous rappelle que cela peut se produire !

Russie : avis de gros temps sur l'économie

Russie : vers moins de croissance et plus d'inflation

Le reste du monde, singulièrement l’Europe, ne « passera pas entre les gouttes » de ce désastre annoncé. La poursuite de l’accélération des prix et un repli de la confiance en sont les ingrédients principaux. Ainsi, le prix du pétrole brut a augmenté de 25% (+20 dollars par baril) en un mois et celui du gaz « européen » de 75%. De même, il n’est pas possible d’extrapoler le rebond des indices PMI de beaucoup de pays en février (par exemple pour les pays développés, de 53,2 à 53,6) ; ce n’est plus que de l’histoire ancienne. La croissance va ralentir et l’inflation se faire plus vive ; avec des Etats-Unis moins pénalisés que la Zone Euro. Dans ces conditions, la normalisation monétaire se fera plus graduelle. Le marché qui pariait sur un niveau du taux des fonds fédéraux de 1,63% en fin d’année il y a juste une semaine, le voir dorénavant à 1,20%.

Le mouvement est similaire en Zone Euro, avec le rendement du contrat euribor 3 mois décembre 2022 passant de +0,055% à -0,23%. Sic transit insania mundi !

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