Un peu de Chine dans mon portefeuille ? Non. Merci.

En ce début d’année du tigre, beaucoup d’articles et interview indiquent que de nombreux professionnels vont augmenter leurs allocations en actions chinoises.

Les arguments sont largement recevables bien sûr, mais pour des portefeuilles non contraints par des benchmarks incluant la Chine, il ne paraît pas y avoir urgence de revenir.

La principale raison fondamentale est l’ESG[1].

Les règles de transparence vont se durcir. La Chine est déjà sous-pondérée dans les indices émergents socialement responsables. Pour certains spécialistes ESG, les actions « anti-droits de l’homme » de l’état Chinois posent même un risque d’exclusion global des actifs chinois dans les indices ISR[2].

C’est un problème qui incite au moins à la prudence.

Par ailleurs, alors que le gouvernement chinois cherche à resserrer son emprise sur les entreprises technologiques, les investisseurs ne peuvent que s’inquiéter : comment investir sereinement lorsqu’à tout moment, un changement de règles peut faire perdre toute valeur à votre investissement.

La seule once d’optimisme concernant l’ESG en Chine pourrait concerner l’environnement. La Chine reste pour le moment le principal pollueur du monde mais proportionnellement les efforts du pays réduire ses émissions ont dépassé tous les pays occidentaux en termes d’échelle. 

Par exemple, après un pic des décès liés à la pollution atmosphérique du pays en 2013, ces décès ont été ramenés en 2020 aux niveaux d’avant 1990. De même, à la suite d’un effort collectif, 74 villes chinoises ont réduit leur taux de particules de 33 % en moyenne en seulement quatre ans à partir de 2013, selon une étude publiée dans la revue The Lancet Planetary Health.

L’engagement de la Chine pour une neutralité carbone d’ici 2060 paraît relativement crédible…mais…le corolaire de l’ESG est la transparence, et là force est de constater que les données fournies par les entreprises chinoises ne permettent pas de construire des portefeuilles ESG en toute tranquillité.

Enfin, les motifs de condamnation de la situation actuelle au Xinjiang sont particulièrement forts, plusieurs pays ne se contentant pas de sanctionner les responsables chinois, mais déclarant désormais officiellement qu’il s’agit d’un génocide – y compris le département d’État américain et le gouvernement britannique récemment. Cela finira par peser d’une manière ou d’une autre sur la valorisation des actifs chinois.

L’autre credo de l’ESG est l’engagement. Inutile de dire que l’engagement de la majeure partie des acteurs de la Finance Responsable n’ont strictement aucun poids sur les sociétés chinoises dans lesquelles ils investissent.

Il est possible qu’un jour prochain, certains investisseurs excluent formellement les actifs chinois des actifs « ESG ». La bascule serait totale si les fournisseurs d’indices ESG excluaient eux-aussi les actifs chinois.

L’année du Tigre peut-elle inverser l’approche évoquée ci-dessus ?

Pour certains observateurs, l’année du Tigre annonce une réorientation de la politique économique de la Chine : L’accent sur la prospérité et la productivité pourrait offrir différentes opportunités aux investisseurs actifs à long terme. L’argument majeur viendrait, comme souvent, de la Banque populaire de Chine (PBoC) qui s’est engagée à utiliser des outils monétaires pour stimuler l’économie et la croissance.

C’est effectivement un argument fort. Les injections de liquidité devraient permettre un rééquilibrage de l’économie vers la consommation intérieure en réduisant les inégalités de revenus et en augmentant les capacités de consommation des classes moyennes.

Autre bonne nouvelle : Le pire semble passé sur le secteur immobilier même si tout n’est pas réglé.

Ainsi après une année 2021 très mauvaise sur les actions chinoises, certains investisseurs pourraient être tentés de partir à la chasse des bonnes affaires. La réussite de l’inscription à la cote de Shanghai de China Mobile, après son éviction des bourses américaines au début de l’année dernière, confirme que les entreprises peuvent prospérer sans inscription à la cote aux États-Unis. Ceci peut effectivement faire penser que le creux est derrière nous.

Pour procéder de cette manière, les investisseurs doivent être capable faire du « stock-picking » et de sélectionner des valeurs en mesure de profiter d’un environnement spécifique désormais plus favorable pour elles. Il est plus difficile d’envisager que les indices puissent globalement profiter de la situation actuelle au moins à court-terme.

En conclusion : structurellement le marché chinois souffre d’une évaluation ESG très négative qui ne peut pas s’améliorer à court-terme et rend l’investissement sur ce pays très difficile. A court-terme, il existe des opportunités suite aux baisses de ces derniers mois et aux injections de liquidités ou aux diverses évolutions de politiques économiques mais l’argument paraît un peu faible…il y a effectivement aussi des opportunités de stock-picking dans les pays développés mais avec un risque ESG plus limité !

Termes et définitions
1. ESG ( ESG ) L’ESG (Environnement, Social et Gouvernance) est un terme générique qui désigne les critères de responsabilité sociale et environnementale…
2. ISR ( ISR ) L’investissement socialement responsable (ISR) est une approche d’investissement qui combine des critères financiers et environnementaux, sociaux et de…
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