- Les marchés sont restés très volatiles cette semaine. Les actions rebondissent légèrement ce matin après que les autorités chinoises aient baissé un de leur taux d’intérêt de référence pour soutenir le secteur de l’immobilier (le taux de prêts à 5 ans de 4,6% à 4,45%). Mais les actions mondiales (MSCI World) restent en baisse sur la semaine pour la septième semaine consécutive, de plus de 2%. Il y a déjà beaucoup de mauvaises nouvelles intégrées par les marchés actions, comme le montre les valorisations qui sont désormais inférieures à leur niveau pré-Covid. Mais la prudence reste de mise selon nous à court terme en raison du resserrement des politiques monétaires et des incertitudes sur les bénéfices futurs.
- Les taux d’intérêts sont également toujours volatils au jour le jour, des deux côtés de l’Atlantique, même s’ils sont restés finalement inchangés sur la semaine, juste en dessous de 3% aux Etats-Unis et de 1,5% pour la France. Maintenant qu’ils sont revenus à des niveaux que nous jugeons « raisonnables », les taux longs pourraient osciller selon nous avec le focus des marchés alternant entre les risques baissiers sur la croissance ou haussiers pour l’inflation. C’est pourquoi nous pensons que les obligations redeviennent un actif de diversification du risque intéressant par rapport aux actions après qu’elles aient corrigé plus que les actions en début d’année.
- Les incertitudes sur les perspectives économiques se concentrent sur la consommation dans un environnement où les marchés du travail et la situation financière des ménages restent très solides dans les pays développés, mais où la hausse de l’inflation et le durcissement des conditions financières pèsent sur le pouvoir d’achat et sur la confiance. La confiance des consommateurs a chuté en mai au Royaume-Uni à un plus bas depuis près de 50 ans et devrait rester proche de ses niveaux atteints lors des premiers confinements en Zone Euro. Aux Etats-Unis, les résultats pour le T1 des entreprises de hard-discount déçoivent (Walmart, Target), remettant quelque peu en question la résilience du consommateur américain qu’avaient indiqués les bons chiffres de ventes au détail en avril.
- L’inflation dans les pays développés a augmenté de nouveau en avril à des nouveaux plus haut depuis quarante ans, avec une accélération de l’inflation aux Royaume-Uni (à 9%) et même au Japon (2,5%). Elle reste élevée pour les prix de l’énergie, mais surtout accélère encore pour les prix moins volatils (i.e. hors énergie et alimentation), ce qui suggère que les pressions inflationnistes pourraient perdurer.
- Dans ce contexte, il y a peu de chances que les banques centrales viennent à la rescousse des marchés en adoptant des discours plus accommodants, contrairement à ce qu’elles ont fait lors de toutes les périodes de stress de marché depuis la crise financière. Ainsi, les membres de la Fed continuent d’indiquer qu’ils remonteront de nouveau leur taux de 50pb en juin et en juillet même s’ils sont moins sûrs que cela n’entraînera qu’un atterrissage « en douceur » de l’économie américaine. Côté BCE, il semble qu’il y ait désormais un consensus large au sein du conseil des gouverneurs pour commencer à remonter les taux dès juillet et pour sortir des taux négatifs d’ici la fin de l’été.
L’inflation a surpris de nouveau à la hausse en avril aux Royaume-Uni et au Japon. L’inflation anglaise a accéléré de 2pt à 9% en avril, un niveau plus atteint depuis 1982. Et si l’inflation vient principalement de la hausse du coût de l’énergie, l’inflation sous-jacente[1] (hors énergie et alimentation) accélère également, à 6,2%, soit un plus haut depuis le début des années 1990 et trois fois la cible de la banque centrale. Cette dernière s’attend d’ailleurs à ce que l’inflation accélère encore et dépasse les 10% d’ici fin 2022. Même au Japon l’inflation accélère et, à 2,5% en avril, dépassé la cible de 2% pour la première fois depuis 2008 (hors impact des changements de taux de TVA). L’inflation sous-jacente reste plus limitée, à 0,8%, ce qui explique que la Banque du Japon ne considère pas commencer à resserrer se politique monétaire de sitôt, mais elle augmente également et revient à son niveau d’avant le Covid.
Au total, l’inflation dans les principaux pays développés accélère de 7,0% à 7,3% en avril selon nos calculs, un plus haut depuis le début des années 1980. Et contrairement au mois de mars, cette accélération est guidée par une accélération généralisée des prix plutôt que par les prix de l’énergie et de l’alimentation. Ainsi, l’inflation sous-jacente accélère de 4,0% à 4,4%. Cela suggère que les pressions inflationnistes risques d’être plus généralisées et persistantes qu’attendues et devrait pousser la Fed et la BCE à poursuivre leur resserrement monétaire en 2022 même si les perspectives de croissance baissaient davantage.
Pour la Zone Euro, les chiffres définitifs de l’inflation pour en avril ont été publiés par Eurostat ce mercredi et se stabilisent au niveau du mois dernier soit 7.4% sur un an (en réalité 7,44%). En fait, le chiffre exact de ce mois-ci est (très) légèrement en dessous du chiffre établi en mai, soit si l’on veut trouver du positif à la situation actuelle, la première baisse depuis juin 2021. Cela vient de la stabilisation de l’inflation dans l’énergie en raison de la stabilisation des prix des matières premières en avril par rapport à mars et des effets de base plus favorables.
Néanmoins, la tendance de fond reste celle que l’on connaît, à savoir une hausse des prix qui continue de se généraliser à l’ensemble des biens, et même aux services. C’est en tout cas le signal que nous donne l’inflation sous-jacente qui s’accélère encore sur un mois pour atteindre 3.5% (contre +3.0% en mars). C’est aussi ce à quoi nous renvoient d’autres indicateurs de tendance générale des prix, comme l’indice d’inflation « à moyenne tronquée » (ou Trimmed-Mean) ou encore l’inflation « médiane ». Tous nous indiquent une tendance à la hausse, nous laissant à penser que contrairement aux Etats-Unis où le pic semble avoir été atteint, l’inflation sous-jacente devrait continuer d’augmenter en Zone Euro dans les prochains mois.
Face à cette situation, plusieurs hausses du taux d’intérêt de la BCE sont désormais anticipées et actées par le marché et la « normalisation » de la politique monétaire de la banque centrale semble en bon chemin. Tout le monde s’accorde à dire qu’au vu des événements, la première hausse de taux devrait avoir lieu en juillet. Par ailleurs, les minutes du dernier comité de politique monétaire publié ce jour ne viennent en rien contredire cette idée et viennent même la renforcer.
Désormais, la BCE risque d’être extrêmement attentive à l’évolution des niveaux de salaire, qui devrait lui donner de la matière afin de décider du calendrier des possibles futures hausse de taux une fois que ces derniers seront revenus en territoire positif ou du moins sortie du territoire négatif…