- Les marchés sont de plus en plus nerveux face aux risques croissants de stagflation[1]. Les actions baissent de plus de 5% sur une semaine, les taux longs baissent depuis le début de la semaine de plus de 10pb et la volatilité des taux de change explose. Le Yen est proche de ses plus bas depuis deux décennies et l’Euro est à un plus bas depuis 2017 face au dollar.
- Les risques sur la croissance augmentent avec l’extension de l’épidémie de Covid en Chine, qui touche désormais Pékin. Les craintes inflationnistes se renforcent avec le prix du gaz en Europe est repassée au-dessus des 100 euros par MWH car la Russie pourrait cesser ses livraisons de gaz à la Pologne et la Bulgarie. Et contrairement aux récentes périodes de volatilités financières, les banques centrales ne viennent pas à la rescousse des marchés en raison des risques inflationnistes. La BCE et la Fed continuent de vouloir normaliser leur politique monétaire rapidement dans les prochains mois.
- Toutefois, les données macroéconomiques restent rassurantes : la reprise dans les pays développés est plus résiliente qu’attendue, comme l’indiquent les légers rebonds en avril de la confiance des entreprises allemandes (IFO[2]) et la résistance de la confiance des ménages américains (Conference Board). Surtout, les entreprises restent en mode expansionniste, avec des embauches et des commandes de biens d’équipement qui restent fortes. C’est un élément qui rend le cycle de reprise économique plus résilient face aux chocs selon nous.
- Au total, nous pensons que les risques sont élevés et les conditions de marchés difficiles, d’où un potentiel de rebond limité et une attitude prudente, toujours nécessaire. Mais le marché intègre déjà un bon nombre de mauvaises nouvelles et les valorisations sont raisonnables. Par exemple, il n’y a plus d’obligations d’entreprises rapportant un rendement négatif pour la première fois depuis 2015 et la part des obligations publiques ayant des taux négatifs a baissé de 30% à moins de 10% depuis un an. Donc si le scénario du pire est évité, une stabilisation voire un léger rebond des marchés est possible dans les prochaines semaines.
Le risque de stagflation continue d’augmenter. La vague Covid s’étend en Chine, avec la stratégie de tests de masse touchant désormais la quasi-totalité de Pékin. Surtout, la vague de Covid et de restrictions en Chine retarde les mesures des autorités pour soutenir l’activité, car ces dernières ne peuvent être efficaces qu’une fois les mesures de restriction levées. La situation chinoise pèse sur les perspectives de croissance mondiale et risque de prolonger les problèmes sur les chaînes de productions mondiales. La hausse du prix des matières premières, depuis le début de l’invasion de l’Ukraine, a entrainé une hausse de 1.2% des prix à la consommation sur le mois de mars au niveau mondial selon JP Morgan, ce qui est la plus forte hausse sur un mois depuis plus de trente ans. Même si mars est probablement le point haut de l’inflation pour cette année, l’inflation devrait rester élevée et peser sur le pouvoir d’achat des ménages et la consommation. De plus, l’inflation en Europe pourrait augmenter encore davantage si les importations d’énergie de la Russie sont davantage affectées. C’est le risque avec les prix du gaz en Europe qui s’envolent de nouveau et dessus des 100 euros par MWH depuis hier à la suite de la nouvelle que la Russie pourrait cesser ses livraisons de gaz à la Pologne et la Bulgarie dès aujourd’hui parce que ces pays refusent de payer leurs importations de gaz russe en rouble.
Pourtant, les données économiques sont toujours rassurantes.
L’indicateur allemand IFO a rebondit d’un point en avril et est repassé au-dessus de sa moyenne historique après sa forte baisse de mars. Les entreprises allemandes indiquent que leur niveau d’activité reste soutenu et voient les perspectives comme un peu moins dégradées qu’en mars dans l’industrie comme dans les services. C’est en ligne, avec les indicateurs PMIs publiés la semaine dernière, qui avait étonnement augmenté.
Aux Etats-Unis, la confiance des ménages reste stable en avril malgré la nouvelle forte hausse de l’inflation en mars, grâce à la résilience du marché du travail. La confiance des ménages baisse depuis mi-2021 en raison de la hausse des prix qui pèsent sur le pouvoir d’achat et la consommation des ménages. Mais malgré une inflation à un plus haut depuis 40 ans, la confiance des ménages reste relativement élevée selon l’enquête du Conference Board, en ligne avec son niveau de 2017. Cela s’explique par l’exceptionnelle solidité du marché du travail. En effet, l’écart entre les personnes indiquant que les offres d’emploi sont abondantes par rapport à ceux indiquant qu’elles sont difficiles à trouver restent proche de son plus haut depuis plus de 50 ans en avril. Cet écart est un très bon indicateur avancé du taux de chômage et suggère que le marché du travail américain est le plus tendu depuis la Seconde Guerre mondiale. C’est de bon augure pour la croissance de l’emploi et pour les salaires, qui seront nécessaires pour préserver le pouvoir d’achat des consommateurs.
Surtout, la solidité des embauches et de l’investissement des entreprises dans les pays développés montre que le cycle est relativement solide. En effet, les entreprises restent en mode croissance malgré les incertitudes et la hausse de leur coût. Or lors des retournements de cycle, c’est habituellement la baisse des dépenses des entreprises qui amplifie le mouvement vers la récession.
La solidité du marché du travail ne concerne pas uniquement les Etats-Unis, comme le montre la nouvelle baisse du taux de chômage au Japon en mars, à un plus bas depuis le début de la crise covid (2,6%). Aussi, les commandes de biens d’équipements des entreprises restent exceptionnellement fortes en mars aux Etats-Unis et en avril en Allemagne et au Royaume-Uni. Cela indique que l’investissement des entreprises est encore bien orienté après son fort rebond post-Covid.