Washington aime jouer avec le feu…

A l’instar des films de Noël qu’on rediffuse inlassablement chaque année, le relèvement du plafond de la dette américaine est un feuilleton qui revient périodiquement sur le devant de la scène, le côté régressif en moins. Si nous sommes maintenant habitués à ce serpent de mer de la vie politique américaine (le plafond de la dette a été relevé 78 fois depuis 1960), on notera néanmoins que celui-ci intervient à chaque fois de plus en plus tôt dans l’année civile, les accords trouvés relevant davantage du pansement sur une jambe de bois que d’une solution structurelle.

La limite pour que républicains et démocrates se mettent d’accord est fixée au 1er juin, soit dans 10 jours, avant un défaut technique des États-Unis. Si les discussions se poursuivent, elles restent tendues de l’aveu même des protagonistes avec même une pause pendant le week-end. Le principal point d’achoppement reste toujours autour de la réduction des dépenses. Les républicains poussent toujours pour les ramener à leur niveau de 2022, soit une baisse de 130 milliards de dollars, tout en augmentant le budget de la défense. De leur côté, les démocrates veulent prolonger le plafond d’emprunt jusqu’en 2025 en augmentant les recettes fiscales avec une taxation plus importante des ménages et des entreprises les plus riches, une ligne rouge pour les républicains. S’il ne fait peu de doute qu’un accord sera trouvé, Joe Biden étant plutôt un homme de consensus, ces tergiversations apportent de l’incertitude et de la volatilité sur les marchés qui n’en ont pas besoin.

Si le relèvement (à venir) du plafond de la dette ne devrait pas avoir d’impact direct sur la politique monétaire à court terme de la Fed, il est en revanche probable que l’accord qui sera trouvé soit conditionné à une baisse des dépenses, ce qui aura de facto un impact sur la croissance américaine et pourrait donc faire le jeu d’une Fed plus dovish[1]. En effet, si l’économie américaine montre toujours des signes de résilience comme en témoigne la publication des ventes au détail ou de la production industrielle pour le mois d’avril, le plan de réduction de dépense proposé par le Président républicain de la Chambre des représentants, Kevin McCarthy, aurait, selon Moody’s[2] Analytics, un impact négatif de 0.6% sur la croissance américaine en 2024 avec des destructions d’emploi de 780 000, soit une hausse du chômage supérieure à 1%.

Du côté de la Fed, les déclarations des membres du FOMC[4] ont été nombreuses la semaine passée. Si les membres les plus hawkish[3] militent toujours pour des hausses de taux supplémentaires arguant que malgré la baisse, l’inflation reste toujours bien au-delà de l’objectif des 2%, Jerome Powell a déclaré vendredi qu’une hausse lors de la prochaine réunion n’était pas acquise alors qu’il existe « des incertitudes concernant les effets retardés [du] resserrement monétaire ». Cependant, la récente hausse des taux américains et du dollar montre néanmoins que le marché commence à anticiper une première baisse de taux un peu moins rapide qu’initialement attendu.

Termes et définitions
1. dovish. Dovish (en opposition à Hawkish) est un terme utilisé pour décrire une politique monétaire qui est plus accommodante et qui soutient une expansion économique plus rapide.
2. Moody’s ( Moody’s ) Moody's est une agence de notation financière internationale, reconnue pour ses analyses de crédit approfondies et ses notations de la dette émise par les entreprises, les gouvernements et d'autres entités.
3. hawkish. Le terme "hawkish" est couramment utilisé en finance et en économie pour décrire une politique ou une posture qui est favorable à des politiques monétaires ou budgétaires plus restrictives ou plus agressives dans le but de lutter contre l'inflation ou de maintenir la stabilité financière.
4. FOMC ( FOMC ) Le FOMC (Federal Open Market Committee) est le comité des marchés ouverts du Fédéral de la Réserve américaine.
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